Il semble que lors de la Commission de la condition de la Femme, la du «règle du bâillon mondial » de Donald Trump contribue à aligner la position des Etats-Unis avec celles de l'Iran, du Soudan, de la Syrie et d'autres pays visés par le décret américain interdisant l’entrée de leurs ressortissants sur son territoire.
Des activistes ont signalé le fait qu’à l’occasion de la 61e Commission de la condition de la femme (CSW) des Nations-Unies de cette semaine, les négociateurs et négociatrices américain-e-s pourraient se retrouver dans le même camp que certains des États parmi les pires au monde en matière d’abus de droits des femmes.
Le rétablissement de la «règle du bâillon mondial » par Donald Trump et sa proposition de réduire le financement octroyé aux Nations Unies devrait donner un coup de pouce aux groupes de la droite conservatrice qui chercheront à saper les droits des femmes à l’occasion des débats tenus lors de la CSW à New York.
Cette règle, que Trump a réintroduite au cours de sa quatrième journée à la Maison Blanche, prive de toute aide américaine les ONG étrangères dont les activités ont un lien quelconque avec l’avortement. Cette décision affectera de manière critique le travail des organisations de planification familiale, de santé maternelle et infantile, celles qui s’occupent de la prévention et des soins en matière de VIH et de prévention et du traitement du cancer du col de l'utérus. Trump a également déclaré qu'il étudiait actuellement la question du financement du fonds de population de l'ONU, le FNUAP.
Lors de cette première occasion pour l'administration Trump de se positionner sur les droits des femmes sur la scène internationale, la délégation des États-Unis pourrait se retrouver résolument alignée sur les positions de pays conservateurs comme l'Iran, le Soudan et la Syrie, qui figurent parmi les six pays visés par la version révisée de l’interdiction d’entrer sur le territoire américain de l’administration Trump.
Ces pays sont connus pour leurs tentatives de neutraliser le langage adopté sur la question des droits des femmes lors des débats annuels qui se tiennent à la CSW, notamment en matière de santé sexuelle et reproductive, sur ce que le terme ‘famille’ recouvre et sur la protection des femmes activistes. Les débats démarreront lundi.
« Il est très probable que nous verrons les États-Unis faire bloc avec la Russie, l'Iran, l'Égypte, l'Arabie saoudite, la Syrie et le Soudan, ces mêmes pays qui sont visés par son décret », a déclaré Shannon Kowalski, Directrice politique et du plaidoyer à la Coalition internationale pour la santé des femmes. « Ils seront main dans la main avec certains des États parmi les pires au monde en matière d’abus de droits des femmes».
Cette année, lors de ce forum de deux semaines conçu en principe pour promouvoir les droits des femmes à l'échelle mondiale ( en réalité un espace de manœuvres géopolitiques où l’on se bat littéralement pour préserver des accords en matière de promotion de l'égalité de genre vieux de plusieurs décennies), les États membres de l'ONU seront invités à approuver un plan d’action visant à accélérer l’accès par les femmes à des opportunités économiques.
Plus tôt cette année, le Forum économique mondial a prédit qu’au rythme actuel où vont les choses, il faudra encore 170 ans pour que l'égalité économique entre les hommes et les femmes soit atteinte.
Les activistes s'inquiètent du fait que la réintégration de la «règle du bâillon mondial», également connue sous le nom de « politique de Mexico », pourrait encourager les groupes conservateurs à faire pression sur leurs délégué-e-s pour qu'ils-elles adoptent une position encore plus dure lors des négociations. L'interdiction de voyager a déjà empêché certains activistes d'assister à la CSW, alors que d'autres ont carrément décidé de boycotter l'événement.
Shannon Kowalski a déclaré qu'il y avait un risque que de tels groupes soient capables d’influencer la délégation des États-Unis pour qu’elle s'oppose au langage adopté en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs. « Cela peut les amener à durcir leurs positions ».
Serra Sippel, présidente du Centre pour la santé et l'égalité de genre, a déclaré: "Nous espérons que les États-Unis s'aligneront sur les pays qui respectent et défendent les droits humains ».
Cependant, elle s'est déclarée préoccupée par la nouvelle ambassadrice des États-Unis aux Nations unies, Nikki Haley : « Compte tenu de la déclaration de Nikki Haley lors de son discours d’investiture, confirmant qu'elle fera tout pour empêcher les femmes d'avoir accès à de l'information sur l’avortement et à des services de soin en la matière, nous sommes préoccupé-e-s par le fait que les États-Unis forment une alliance contre nature avec d’autres États membres ou des observateurs qui sont hostiles à l'égalité de genre et à l'accès universel à la santé et aux droits sexuels et reproductifs ».
On ne sait pas si l'ambassadrice sera directement impliquée dans les négociations lors de la CSW de cette année.
Cynthia Rothschild, militante féministe et ancienne consultante auprès du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a déclaré: « Ce qui va être intéressant c’est de voir comment les autres États [membres de l'ONU] vont manœuvrer pour résister à une politique américaine conservatrice. »
Les Pays-Bas, le Canada, la Suède et la Finlande ont déjà promis des millions de dollars pour aider à combler le manque de financement attendu suite à la réduction des fonds octroyés par les Etats-Unis.
L’avis de Cynthia Rothschild a été repris par Phumzile Mlambo-Ngcuka, Directrice exécutive d'ONU Femmes. Elle a déclaré que les discussions initiales avec la délégation américaine avaient bien démarré, mais elle a ajouté: « Je compte sur les autres États membres qui sont tout aussi puissants et prêts à se positionner pour qu’ils intensifient leurs efforts pour défendre nos valeurs et les choses auxquelles nous croyons, à soutenir les pays qui en ont besoin en proposant de l’information, des données et ainsi de suite ».
Elle a ajouté que le fait que la « règle du bâillon » a été étendue pour inclure non seulement les programmes de planification familiale, mais également tous les programmes de santé financés par les États-Unis « a galvanisé une base beaucoup plus importante parmi nos membres pour protéger pleinement les droits des femmes».
La Fédération internationale pour la planification familiale (IPPF) a déclaré que les possibilités pour les femmes de trouver un emploi décent reposent sur leur capacité à avoir accès à des services de santé et à pouvoir contrôler leur fertilité.
« L'inclusion de la santé et des droits sexuels et reproductifs doit être au cœur de l'agenda de la CSW, car les possibilités qu’ont les femmes d’accéder à un travail décent et de pouvoir le garder dépendent de leur capacité d’exercer leurs droits en matière de santé sexuelle et reproductive », a déclaré Preethi Sundaram, Conseillère politique et responsable du plaidoyer à l'IPPF.
« Étant donné le climat politique actuel, et en particulier le rétablissement et l'étendue de la règle du bâillon mondial, nous craignons que ces droits soient plus vulnérables que jamais ».
Chiara Capraro, responsable de la politique et du plaidoyer en matière de droits économiques chez Womankind, a déclaré: « Nous sommes préoccupé-e-s par le fait que l’annonce de la réduction inopinée de fonds pour la santé reproductive par les États-Unis puisse éclipser des discussions importantes qui doivent avoir lieu pour trouver un terrain d’entente et faire progresser la réflexion et l'engagement des gouvernements à s'attaquer aux inégalités économiques, à améliorer les droits des femmes dans le monde du travail et à développer un modèle économique qui fonctionne également pour les femmes ».
Elle a ajouté qu'elle pense que le rétablissement de la « règle du bâillon » représente « une situation cauchemardesque pour les femmes à l'échelle mondiale ».
Cet article est publié dans le cadre de notre partenariat avec the Guardian et Mama Cash.