Le mardi 28 février, l’AWID et le Gender and Development Network (Réseau genre et développement, GADN) ont conjointement organisé un webinaire pour discuter des transformations qui apparaissent nécessaires à la concrétisation d’une justice des genres, économique et écologique, et préparer les activistes féministes pour la 61ème Commission de la condition de la femme (CSW) qui a lieu du 13 au 24 mars 2017.
Plus de 80 activistes œuvrant en faveur des droits du travail et de l’économie informelle, des défenseuses des droits humains, des éducateurs et éducatrices populaires et de la gouvernance mondiale ont participé à ce webinaire. Ensemble, nous avons défini les mesures fondamentales à adopter afin de limiter le pouvoir des sociétés transnationales à porter atteinte aux droits humains, et nous réclamons que le débat sur la justice économique des femmes soit repris à partir d’un point de vue féministe et des droits des femmes.
La justice économique des femmes ne peut pas être examinée de manière isolée mais doit être comprise dans le contexte actuel qui fait l’impasse sur les préjugés de genre et privilégie la « croissance » à tout prix. Dans ce contexte de recrudescence massive du pouvoir corporatif, que l’AWID définit comme « le contrôle et l’appropriation excessifs des ressources naturelles, de l’information et de la finance par l’alliance des grosses sociétés et de l’élite mondiale en collusion avec le gouvernement », l’autonomie économique des femmes est-elle possible ?
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Conférencières
- Dr Mariama Williams, South Centre
- Rachel Moussié, consultante
- Kunthea Chan, JASS Asie du Sud-Est
- Chidi King, Confédération syndicale internationale
- Jessica Woodroffe, Gender & Development Network (intervenante, Réseau genre et développement)
- Ana Abelenda, Association pour les droits des femmes dans le développement (animatrice)
Nous recommandons aux gouvernements participant à la CSW de :
Garantir une protection sociale universelle adéquate : la justice économique ne concerne pas que les personnes exerçant des emplois rémunérés.
La protection sociale universelle est capitale pour enrayer la pauvreté et garantir un niveau basique de bien-être à chaque personne, et plus particulièrement aux femmes, qui sont celles qui pâtissent le plus de l’absence de ces protections et courent le plus grand risque d’être exclues des mécanismes professionnels de couverture santé.
Promouvoir un travail décent :
les gouvernements devraient fixer et appliquer un salaire minimum permettant aux travailleurs-euses d’exercer leur droit à un niveau de vie suffisant et s’assurer que les réglementations relatives au travail et les protections juridiques et sociales soient étendues à l’ensemble des travailleurs-euses de l’économie informelle, secteur dans lequel la majorité des femmes du monde entier ont leur occupation.
Protéger la liberté d’association et le droit à la négociation collective :
Ces droits humains et relatifs au travail sont aussi fondamentaux pour les femmes que pour les hommes. Les syndicats et les organisations de travailleurs-euses doivent être autonomisés afin de garantir aux femmes un cadre de travail à l’abri du danger et sécurisant et une juste rémunération. L’action collective peut largement contribuer à améliorer l’accès des femmes à un travail décent. Les gouvernements devraient ratifier les conventions 87 et 98 de l’OIT et protéger ces droits au sein de leurs propres frontières.
Combattre la violence sur le lieu de travail : Toutes les formes de violence et de harcèlement sur le lieu de travail doivent être interdites par la loi.
Ce point représente encore un vide juridique important et scandaleux qui met les femmes travailleuses en position de vulnérabilité, et ce d’autant plus lorsqu’elles se trouvent confrontées à une perte de leur emploi et de leurs moyens de subsistance consécutive au signalement de mauvais traitements. Les gouvernements devraient soutenir le projet de convention de l’OIT contre la violence basée sur le genre dans le monde du travail et ratifier la convention 189 concernant les travailleurs-euses domestiques.
Reconnaître, réduire et redistribuer le travail des soins non rémunéré, représenter les dispensateurs-trices de soins :
Il est crucial de proposer des services publics abordables, accessibles et de qualité pour alléger la charge disproportionnée des activités de soins non rémunérées des femmes. Il est par ailleurs essentiel que ces activités de soins non rémunérées soient prises en compte dans les systèmes de comptabilité nationale tels que le PIB. Les gouvernements doivent s’engager à adopter un « prisme soins » dans tous les domaines afin de pouvoir examiner correctement et modérer les effets de leurs politiques et de leurs programmes sur les activités de soins non rémunérées des femmes, et mettre en œuvre des mesures sociales et une infrastructure globales dans le but de réduire les charges de travail des femmes.
Intégrer la justice des genres et climatique dans les débats économiques :
Le changement climatique a des conséquences directes sur la sécurité alimentaire, sur les moyens de subsistance et sur le niveau de demande de soins non rémunérés et de travail domestique, qui incombe de façon disproportionnée aux femmes. Il est nécessaire d’amorcer une transition juste vers une économie post-carbone ou à faible émission de carbone afin de limiter ces impacts.
Promulguer une réforme fiscale progressive :
Les impôts sur la consommation font peser un fardeau démesuré sur les femmes, mais une fiscalité progressive est envisageable avec des réformes qui déplaceraient la charge sur les individus disposant de revenus élevés et sur les grandes entreprises. En outre, les modèles d’imposition régressive vont de pair avec une base imposable étroite, et donc avec un sous-financement des services publics qui alimente la situation où les femmes assument une part démesurée des soins non rémunérés.
Mettre en œuvre une meilleure méthode de mesure :
Les gouvernements devraient procéder à des évaluations de l’impact afin de comprendre comment les changements en termes de politiques d’imposition, de services sociaux, d’investissements publics, d’infrastructure ou autre affectent l’égalité des genres comme les droits des femmes et leurs moyens de subsistance. Les données devraient faire état de la diversité entre les femmes et inclure les femmes urbaines ou rurales ; les individus, les ménages ou les régions à revenus bas ou élevés ; les femmes de couleur, les femmes autochtones et les femmes migrantes.
Contester le pouvoir corporatif :
S’assurer que toutes les sociétés, les compagnies transnationales, le secteur financier et les industries extractives paient leur juste part d’impôts aux gouvernements des pays dans lesquels ils mènent leurs activités économiques. Les sociétés doivent être tenues responsables lorsqu’elles échouent à respecter et protéger les droits humains basiques de leurs travailleurs-euses, et lorsqu’elles imposent à ces dernier-ères des faibles salaires et des conditions de travail dangereuses. Les gouvernements devraient appuyer le groupe de travail du Conseil des droits humains des Nations Unies dans la création d’accords juridiquement contraignants afin de s’assurer que toutes les grandes sociétés respectent et encouragent les droits humains, y compris les droits des femmes et les évaluations de l’impact écologique.
Faire en sorte que les accords commerciaux profitent aux femmes :
Les accords commerciaux internationaux ont un impact retentissant sur la qualité et la quantité de travail disponible pour les femmes. Les gouvernements doivent protéger les droits des femmes contre l’exploitation du travail axée sur l’exportation, l’appropriation des terres et l’extraction des ressources à partir d’une meilleure compréhension de l’impact genré des politiques commerciales.
Protéger l’espace politique réservé à l’égalité des genres et les droits des femmes :
Les accords actuels de commerce et d’investissements et les politiques du Fonds monétaire international restreignent et proscrivent les choix des gouvernements en matière de politique. Il est indispensable de créer un espace permettant aux gouvernements de choisir des politiques économiques et sociales alternatives, et de protéger cet espace.
Repenser la politique macroéconomique :
Les gouvernements doivent réévaluer la finalité de la politique macroéconomique, et orienter leur prise de décision macroéconomique non plus sur les impôts, la gestion de la dette et les politiques monétaires mais davantage sur la justice économique, les droits humains, la viabilité environnementale et le bien-être de tou-te-s. Le changement en profondeur ne s’obtient pas par des modifications techniques. Le vrai changement exige une révision importante de notre façon de concevoir et de mettre en œuvre la politique économique.