La 35ème session du Comité des droits humains aura lieu cette semaine, du 6 au 23 juin 2017. Dans la perspective de cet évènement, nous partageons ce document afin de rafraîchir vos connaissances sur les termes clés autour de la religion, la culture et la tradition issus de la dernière session (27 février – 24 mars 2017).
Balayer les idées fausses au sujet du droit à la liberté de religion ou de conviction
Dans son rapport, M. Ahmed Shaheed balaye les idées fausses au sujet du droit à la liberté de religion ou de conviction, et met en relief les recoupements de ce droit avec de nombreux autres droits, tels que l’égalité de genre et la non-discrimination. Dans une tentative d’élargir la compréhension de ce droit, il a précisé l’étendue et les limites de l’exercice de ce droit par rapport à celui d’autres droits et titulaires de droits.
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Le droit à la liberté de religion ou de conviction ne peut jamais servir à justifier les violations de droits de femmes ou de filles.
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Les cas de mariages forcés, de mutilations génitales féminines, de conversions forcées, de « crimes d'honneur », de « prostitution sacrée forcée »[1], d’esclavage sexuel, de traite, d’intervention policière « excessive » à l’égard des codes vestimentaires[2] et de déni d’opportunités en termes d’éducation et d’emploi, ne sauraient être justifiés sur la base de ce droit.
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Ce droit ne donne pas à l’individu– en sa qualité de titulaire du droit – le pouvoir de marginaliser, supprimer ou perpétrer des actions violentes contre les autres individus et ceux en situation de vulnérabilité, tels que les femmes ou les membres de communautés lesbiennes, gay, bisexuelles, transgenres et intersexes (LGBTI) sous prétexte de manifester leur religion ou d’être le garant de la morale.
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Les titulaires du droit à la liberté de religion ou de conviction sont les individus, et non les religions ou les systèmes de croyance. Plus particulièrement, ce droit n’est pas conçu pour protéger les croyances en tant que telles (religieuses ou autres), mais plutôt les croyants et leur liberté d’avoir et d’exprimer ces croyances.
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Le droit à la liberté de religion ou de conviction n’est pas subordonné à la reconnaissance de l’Etat ni à l’enregistrement auprès de l’Etat, et ne se limite pas aux religions et pratiques traditionnelles, dominantes ou « reconnues ».
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Ce droit inclut la liberté de changer de religion ou de conviction et ne peut en aucune circonstance, pas même en cas de danger public, faire l’objet d’aucune limitation, de restriction, d’ingérence ou de dérogation.
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Les politiques ou les pratiques qui ne visent pas l’adoption d’une religion ou conviction particulière peuvent néanmoins constituer une violation de ce droit si elles ont pour but ou pour effet d’entraver la capacité d’un individu d’avoir ou d’adopter librement une religion ou de conviction, ou d’en changer librement. Des restrictions de l’accès à l’éducation, aux soins médicaux ou à l’emploi, ou bien encore des questions de droit de la famille, touchant par exemple à la garde des enfants, qui ont en définitive pour effet d’amoindrir la capacité de l’individu d’avoir ou d’adopter librement une religion ou une conviction, ou d’en changer librement, peuvent être des exemples de restrictions indirectes mais inadmissibles.
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Le droit à la liberté de religion ou de conviction ne peut pas faire l’objet de restrictions pour des raisons de sécurité nationale, et parce qu’il est de nature non discriminatoire, la nationalité ne peut justifier l’imposition de restrictions à des minorités, des migrant-e-s ou des étrangers-ères.
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La prééminence dont bénéficient les religions ou les idéologies d’État ne devraient pas porter atteinte à ce droit ou à d’autres droits fondamentaux consacrés par le droit international, pas plus qu’elle ne devrait entraîner de discrimination quelle qu’elle soit à l’égard des personnes qui n’acceptent pas l’idéologie officielle ou s’y opposent.
L’impact du fondamentalisme et de l’extrémisme sur les droits culturels
Karima Bennoune la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, a présenté le deuxième rapport de son mandat, qui souligne combien il importe de lutter contre les fondamentalismes et les extrémismes si nous voulons préserver l’exercice des droits culturels.
Le rapport donne un nombre de recommandations en faveur d’une réponse aux fondamentalismes et aux extrémismes axée sur les droits et centrée sur les droits culturels et le principe d’égalité.
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Les Etats parties doivent faire en sorte que les attitudes traditionnelles, historiques, religieuses ou culturelles ne servent pas à justifier les violations du droit des femmes à l’égalité devant la loi et à la jouissance sur un pied d’égalité de tous les droits énoncés dans le Pacte. Le relativisme culturel a été expressément rejeté à plusieurs reprises par le droit international des droits humains et ne peut être invoqué pour porter atteinte à des droits perçus comme concurrents.
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Le combat pour les droits des femmes est une composante essentielle, et non pas facultative, de la lutte contre toutes les formes d’extrémisme, de fondamentalisme et de terrorisme.
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L’approche du fondamentalisme et de l’extrémisme fondée sur les droits humains doit englober tous les acteurs, étatiques et non étatiques et respecter et garantir fondamentalement tout autre droit humain lié.
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Dès lors, le combat des droits de l’homme contre chaque manifestation de fondamentalisme ou d’extrémisme, loin d’être en concurrence ou en contradiction avec la lutte contre d’autres manifestations, en est complémentaire. Une forme de fondamentalisme ou d’extrémisme n’en justifie pas une autre.
Les acteurs de la société civile qui s’opposent aux fondamentalismes ont besoin de ressources, de structures, de visibilité et d’accès aux médias, de façon à ce que leurs efforts puissent cristalliser en une opposition plus systématique et institutionnalisée.
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Les gouvernements ne doivent pas faire l’erreur de penser qu’ils peuvent utiliser un prétendu « extrémisme non violent », dont les orientations sont souvent discriminatoires à l’égard des femmes et des minorités, comme moyen de lutter contre ce qu’ils appelleraient l’extrémisme violent. Ce sont les femmes qui paient le prix de ces graves erreurs de jugement.
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La Rapporteuse a appelé les gouvernements à faire en sorte qu’il y ait un contrepoids aux discours fondamentalistes et extrémistes en les contestant publiquement et en garantissant une éducation visant à démanteler leurs idéologies.
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Les Etats doivent respecter, protéger et réaliser les droits humains, en particulier les droits culturels, ce qui signifient qu’ils doivent : a) cesser de soutenir directement ou indirectement les idéologies fondamentalistes ; b) protéger toutes les personnes de tout acte de groupes fondamentalistes ou extrémistes ayant pour objet de les contraindre à des identités, des croyances ou des pratiques spécifiques ; et c) concevoir des programmes visant à créer des conditions qui permettent à chacun d’accéder, de participer et de contribuer à la vie culturelle, sans discrimination.
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Les arts, l’éducation, les sciences et la culture font partie des meilleures façons de lutter contre le fondamentalisme et l’extrémisme. Les droits culturels, conçus comme faisant partie intégrante du système des droits humains, sont des contrepoids essentiels face au fondamentalisme et à l’extrémisme ; ils requièrent le droit des individus de se déterminer librement, le respect de la diversité culturelle, l’universalité et l’égalité.
Pour en savoir plus : retrouvez les déclarations faites par l’AWID et la Coalition internationale des défenseurs des droits humains à l’appui de ce rapport.
CDH 34 : Déclaration de l'AWID : Protégeons les droits culturels dans une perspective d’égalité
La 34ème session a également vu émerger de considérables défis au cours des négociations autour de la résolution sur les droits de l’enfant avec des amendements hostiles proposés par des acteurs anti-droits.
Suivez les progressions et régressions du 34ème CDH :
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A child rights based approach in the implementation of the 2030 Agenda for Sustainable Development - Resolution on the rights of the child
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Mainstreaming of Human Rights in UN counter-terrorism initiatives - Report of the Special Rapporteur on the promotion and protection of human rights and fundamental freedoms while countering terrorism
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Mandate of the Special Rapporteur on Human Rights Defenders extended - Resolution
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A rights-based approach to birth registration - Resolution
[1] C'est le terme utilisé dans le rapport du le Rapporteur spécial M. Shaheed lui-même, pour décrire certaines pratiques de travail du sexe forcée justifiées par certains acteurs du fait qu'elles sont sanctionnées au niveau religieux our traditionnel. [2] Tandis que le Rapporteur spécial M. Shaheed fait référence à des intervention policière « excessive » à l’égard des codes vestimentaires, nous affirmons qu'aucune condition ou restriction sur la manière dont une femme s'habille n'est acceptable. Cela inclut les codes religieux, culturels ou traditionnels.