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Perspectives féministes indispensables sur la grève de la faim des prisonnier-ère-s palestinien-ne-s

Le 17 avril, 1 500 détenu-e-s palestinien-ne-s ont entamé une grève de la faim collective d’une ampleur inégalée et placée sous le signe de la liberté et de la dignité. Depuis cette date, ceux et celles qui soutiennent la cause palestinienne organisent des événements et des manifestions dans le monde entier pour que se développe une plus grande solidarité envers les grévistes de la faim.

L’AWID s’est entretenue avec des activistes féministes palestiniennes pour mieux connaître le sens qu’elles donnent à cette grève de la faim et ce qu’elles souhaiteraient que les féministes du monde entier comprennent de cet événement. Leurs réponses figurent ci-après.

À l’heure actuelle, 61 femmes et filles et 300 enfants (en anglais) sont incarcéré-e-s dans les prisons israéliennes. Si les hommes sont souvent perçus comme les seuls chefs de file du mouvement des prisonnier-ère-s, les prisonnières politiques palestiniennes ont elles aussi risqué leur vie et mené des grèves de la faim. À leur sortie de prison, les hommes sont souvent considérés comme des héros alors que les femmes se heurtent à des difficultés considérables pour se reconstruire et retrouver leur place dans la société, comme en témoigne l’histoire de Lina Al-Jarbouny. Comme dans de nombreux autres pays du monde, le système carcéral israélien est fondé sur la recherche du profit. G4S, la plus grande entreprise de sécurité du monde, est partie prenante de ce système et donc complice des violations des droits des détenu-e-s palestinien-ne-s.


Ghadeer-Malek

Ghadeer Malek

Ghadeer Malek est une écrivaine, poétesse de création orale, chercheuse en science sociale, experte en politiques et éducatrice du domaine de l’art. Dans les secteurs public et sans but lucratif, elle a dirigé des programmes consacrés à l’engagement des jeunes et au développement communautaire, orientés notamment vers les questions sociopolitiques et économiques relatives à la migration et à la guerre. Son expertise est tout particulièrement axée sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Ghadeer a co-écrit le livre intitulé Min Fami : Arab feminist reflections on identity, space, and resistance (Min Fami : réflexions féministes arabes sur l’identité, l’espace et la résistance) et a récemment obtenu une maîtrise en éducation des adultes et développement communautaire à l'Institut d'études pédagogiques de l'Ontario (OISE) de l’Université de Toronto.

Le 17 avril, au moment où 1 500 Palestinien-ne-s incarcéré-e-s dans les prisons israéliennes ont entamé une grève de la faim, je me suis demandé comment le reste du monde allait percevoir cet événement, si toutefois il en prenait note. La population palestinienne sait que, depuis la création de l’État d’Israël en 1948, l’occupation et la colonisation de la Palestine par Israël sont fondées sur une campagne de relations publiques qui dissimule le projet colonial et impérialiste qui les sous-tendent. J’étais donc curieuse de voir si cette grève de la faim allait être portée à la connaissance du monde entier et, dans l’affirmative, d’en mesurer les implications.

Ce n’est pas la première fois que les prisonnier-ère-s politiques palestinien-ne-s organisent une grève de la faim collective. Ce récapitulatif d'Aljazeera (en anglais) donne un aperçu de celles qui ont été organisées depuis 1967. Et pourtant, jusqu’à présent, seule cette dernière grève de la faim menée par Marwan Barghouti, un prisonnier politique incarcéré dans les geôles israéliennes depuis plus de 15 ans, a bénéficié de la couverture des médias internationaux et occidentaux, parmi lesquels le New York Times. Ce dernier a notamment publié un texte de Barghouti lui-même décrivant les revendications des grévistes. Qualifiée de « plus grande grève de la faim collective de l’histoire palestinienne », cette action bénéficie sans doute des effets cumulés de la résilience et de la lutte organisée permanente des Palestinien-ne-s sur le terrain qui ont progressivement influencé la couverture de la lutte palestinienne par les médias dominants.

Je pense notamment à l’influence de la campagne de Boycott, désinvestissement et sanctions menée par la société civile israélienne ou encore au récent rapport de l’ONU accusant Israël de soumettre le peuple palestinien à un régime d’apartheid. L’auteure de ce rapport, Rima Khalaf, a démissionné de ses fonctions de sous-secrétaire générale de l’ONU et de secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale en réponse aux pressions exercées pour que ce rapport soit retiré. Alors que les grévistes de la faim réclament l’attention du monde entier, en tant que Palestinienne de la diaspora, activiste, auteure et éducatrice, je pense que ce mouvement est à la fois un appel à l’action et un appel à la solidarité. Il est indispensable que nous, les voix critiques venues des périphéries, soyons en première ligne pour faire écho à leurs revendications dans le contexte plus large de la colonisation et de l’impérialisme. Pour être solidaires, nous devons tous et toutes prendre des risques, chacun-e à notre manière, dans le but de parvenir à notre propre libération et à celle de l’humanité toute entière.

J’aimerais que les féministes prennent connaissance des campagnes de solidarité qui sont menées partout dans le monde, parmi lesquelles le désormais viral #saltwater challenge. En Italie, des parlementaires se sont joint-e-s au #saltwater challenge. En Irlande, le drapeau palestinien a été hissé à l’Hôtel de ville de Dublin. En Afrique du Sud, des personnalités se sont jointes à la grève de la faim, à l’instar de l’archevêque de Palestine. 


Sama Aweidah

Sama Aweidah est la directrice générale du Women’s Studies Centre (WSC). Elle est également une chercheuse et une auteure qui a notamment publié 11 livres pour enfants visant à les sensibiliser aux questions de genre.

Je pense que cette grève de la faim est une bataille terriblement difficile que les victimes et leur famille sont contraintes de mener pour vivre dignement. C’est un processus très douloureux qui, malheureusement, est parfois le seul moyen de sensibiliser la communauté internationale à certaines réalités.

  1. Si nous voulons lutter pour la dignité et la liberté, nous devons comprendre que nous n’atteindrons nos objectifs que si nous sommes solidaires avec tous les peuples opprimés du monde et que nous luttons à leurs côtés.
  2. Les familles des prisonnier-ère-s palestinien-ne-s sont en grande souffrance et s’inquiètent pour leurs fils et leurs filles.
  3. Les revendications des grévistes ne sont ni plus ni moins que ce sur quoi nous nous sommes accordés dans le contexte du droit international humanitaire.
  4. Plus de 1 700 prisonniers palestiniens sont en grève de la faim depuis 26 jours et peuvent mourir à tout instant.
  5. Faute d’une intervention de la communauté internationale, le gouvernement israélien ne satisfera pas les revendications des détenu-e-s.
  6. Nous exhortons les féministes du monde entier à soutenir les détenu-e-s palestinien-ne-s pour qu’ils puissent vivre dignement dans un environnement sain et voir leur famille.

En apportant votre soutien aux détenu-e-s palestinien-ne-s, vous luttez pour la paix et la liberté dans le monde entier.


Yafa Jarrar

Yafa Jarrar est une Palestinienne née à Jérusalem qui a grandi à Ramallah, en Palestine. Elle est impliquée, depuis 2005, dans le mouvement palestinien et international de Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS). Yafa est doctorante à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa. Elle habite Ottawa, en territoire algonquin.

La grève de la faim « pour la dignité » est une pratique stratégique de résistance, une action respectable de provocation et une forme de résilience. Au cours de l’histoire, les grèves de la faim se sont avérées des tactiques matures, calculées et efficaces utilisées par les prisonnier-ère-s politiques pour obtenir le respect de leurs droits fondamentaux et la satisfaction de leurs revendications. Nous devons comprendre que les prisonnier-ère-s politiques ne choisissent jamais cette option de manière arbitraire. Les Palestinien-ne-s emprisonné-e-s en Israël mettent leur vie en danger parce que leurs conditions de détention dans le système pénitentiaire d’apartheid qui prévaut en Israël sont déplorables.

L’État d’apartheid israélien est connu pour abriter des prisons et des centres de détention qui comptent parmi les plus oppressifs du monde, et ce, dans le seul but de réprimer le peuple palestinien. La grève de la faim est la seule stratégie qu’il reste à ces détenu-e-s. Elle leur permet de montrer qu’ils ne resteront pas les bras croisés alors que leurs droits fondamentaux sont bafoués par le système carcéral israélien.

Pris en étau entre l’État colonial d’apartheid israélien d’une part et une Autorité palestinienne incompétente et en échec, les prisonnier-ère-s politiques palestinien-ne-s ont été outrageusement négligé-e-s. Comme l’indique le nom même de la grève, les revendications associées sont de l’ordre des droits fondamentaux. Il s’agit notamment de mettre fin à la suppression des visites familiales, de permettre aux détenu-e-s de bénéficier de soins de santé et de traitements médicaux appropriés ainsi que du droit à mener des études supérieures à distance et enfin, de mettre un terme aux pratiques d’isolement et de détention administrative (une incarcération illimitée sans inculpation ni procès). Depuis 40 jours, les prisonnier-ère-s mènent cette grève de la faim sans que l’administration pénitentiaire israélienne n’ait manifesté la moindre intention de respecter leurs droits fondamentaux. Cette grève montre à quel point les prisonnier-ère-s politiques palestinien-ne-s aspirent à la dignité et à la liberté. L’État d’apartheid israélien ne leur accordera ni la dignité ni la liberté de son plein gré. C’est la raison pour laquelle ils ont choisi de lutter en s’affamant. Toutes les personnes libres et conscientes ont le devoir moral d’apporter leur soutien aux grévistes.

L’État d’apartheid israélien ainsi que les actions qu’il mène contre le peuple palestinien, notamment dans les prisons israéliennes, sont par nature antiféministes. Il n’y a rien de féministe à incarcérer plus de 6 300 prisonnier-ère-s politiques, dont 300 enfants et 61 femmes, et à emprisonner plus de 500 personnes sans inculpation ni procès au titre de la détention administrative. Les méthodes utilisées par Israël contre les prisonnier-ère-s politiques palestinien-ne-s, parmi lesquelles la torture physique et psychologique, la violence sexuelle et l’utilisation du corps et de la sexualité des détenu-e-s, sont désormais bien connues. Agir en soutien à cette grève de la faim collective revient à s’opposer à l’oppression constante que ces prisonnier-ère-s ont subie et subissent encore au quotidien. Ce soutien est un acte féministe.


Sahar Francis

Sahar Francis est une avocate spécialiste des droits humains qui travaille depuis 1998 au sein de l’association Addameer Prisoner Support and Human Rights. Elle a occupé les postes d’avocate principale puis de directrice du département juridique avant de prendre la tête de l’organisation en 2006.

Pour les prisonnier-ère-s politiques palestinien-ne-s, la grève de la faim est le dernier recours dans la lutte contre les violations de leurs droits dans les prisons israéliennes. Au cours de l’histoire, cette méthode a toujours été la plus efficace pour garantir leurs droits fondamentaux et améliorer leurs conditions de détention au quotidien. Ils sont prêts à mettre leur vie en danger pour préserver leur dignité. Ces pratiques extrêmes témoignent de l’ampleur de la souffrance subie dans le système carcéral israélien. Les détenu-e-s supportent des châtiments collectifs, parmi lesquels l’isolement, la suppression des visites de leur avocat ou de leur famille et d’autres sanctions.

Il est important que les féministes et autres activistes du monde entier sachent que les Palestinien-ne-s incarcéré-e-s, dont des femmes et des enfants, sont confronté-e-s à un système judiciaire hautement discriminatoire incarné par les tribunaux militaires et qu’ils vivent dans des conditions très difficiles dans les prisons israéliennes. Il s’agit là de la raison d’être de cette grève de la faim. Les grévistes ont besoin de tout le soutien que nous pouvons leur offrir pour leur permettre d’échapper à la torture et aux mauvais traitements et pour leur donner l’espoir d’un avenir où ils pourront vivre libres et dans la dignité.


Khalida Jarrar

Khalida Jarrar est une ancienne prisonnière politique, une féministe et une activiste des droits humains. Elle est membre élue du Conseil législatif palestinien (CLP), présidente de la Commission du CLP en charge des prisonnier-ère-s et membre du Conseil central de l’OLP. Jarrar est également membre du Comité national palestinien auprès de la Cour pénale internationale et représente la Palestine au Conseil de l’Europe. Elle dirige le conseil d’administration de l’Union des comités de femmes palestiniennes et exerce la fonction de vice-présidente du Conseil de direction de l’association Addameer Prisoners’ Support and Human Rights. Jarrar est née et a grandi à Naplouse, en Palestine et a obtenu une maîtrise en démocratie et droits humains à l’Université de Birzeit.

Les prisonnier-ère-s politiques palestinien-ne-s, qui vivent dans des conditions inhumaines dans les prisons israéliennes, ont entamé une grève de la faim pour revendiquer leur liberté et leur dignité. Cette grève témoigne du caractère déplorable de leurs conditions de détention. Certain-e-s sont privé-e-s du droit de recevoir des visites familiales. En guise de punition collective, d’autres ne peuvent recevoir de visites qu’une fois par mois au lieu de deux fois par mois. L’hôpital « Al-Ramla », le seul accessible aux prisonnier-ères politiques, est sous-équipé et inadapté aux soins nécessaires aux personnes atteintes de maladies chroniques comme les cancers, les maladies cardiaques ou le diabète. Des centaines de personnes sont incarcérées pendant des années au titre de la « détention administrative », sans inculpation ni procès. Les prisonnier-ère-s sont souvent transféré-e-s vers et depuis le tribunal dans des véhicules très inconfortables baptisés « bosta ». Les trajets en bosta sont fastidieux et les prisonnier-ère-s peuvent rester menotté-e-s pendant plus de 12 heures dans ces véhicules froids entièrement métalliques, privé-e-s de la possibilité de satisfaire leurs besoins élémentaires. Ce ne sont que quelques exemples de ce que subissent les détenu-e-s dans les prisons israéliennes. Ils tentent désormais de faire valoir leurs droits et de regagner leur dignité par cette grève de la faim.

Plus de 6 000 Palestinien-ne-s sont actuellement incarcéré-e-s dans les prisons israéliennes et leurs droits sont bafoués quotidiennement. Ces prisonnier-ère-s utilisent la grève de la faim comme un outil pacifique de résistance et d’amélioration de leurs conditions de vie. Alors que les grévistes entament leur 40e journée d’action, des milliers de mères, épouses, frères et sœurs s’inquiètent pour leurs proches qui dépérissent dans les prisons israéliennes. Les grévistes ont besoin de recevoir des marques de solidarité et le soutien de tous ceux et celles qui croient en la liberté, la dignité et la justice. 


Sana Salama Daka

Sana Salama Daka est la femme du prisonnier Walid Daka, incarcéré depuis 31 ans.

Depuis 12 ans, nous menons une bataille judiciaire pour obtenir le droit de bénéficier de visites conjugales et de mettre un enfant au monde. Pour l’instant, nous n’avons pas obtenu gain de cause. Walid et moi sommes citoyens israéliens. On ne nous a pas accordé ce droit alors que l’assassin du premier ministre* a pu en bénéficier !

La grève de la faim actuelle, comme toutes les grèves de la faim de l’histoire du mouvement des prisonnier-ère-s, est le seul moyen à leur disposition, même s’il est à la fois silencieux et dangereux, pour protester contre leurs conditions de détention qui sont parmi les plus dures du monde.

Les droits aux visites familiales et à la communication avec le monde extérieur de la plupart des prisonnier-ère-s sont bafoués.

Parmi les nombreuses revendications des actuels grévistes de la faim relative à leur vie quotidienne en prison, la principale touche au fait qu’il leur est impossible de communiquer avec le monde extérieur, notamment par téléphone.

Tout le monde devrait savoir que tous les droits dont jouissent actuellement les prisonnier-ère-s politiques palestinien-ne-s ont été acquis par des grèves de la faim successives menées par leur mouvement. Ils ont par exemple acquis des droits aussi fondamentaux que le fait de disposer d’un lit, de livres, de journaux et de la radio ou encore de ne plus être soumis à des traitements humiliants. Je pense donc que cette grève s’inscrit dans la continuité du constant refus opposé par le peuple palestinien aux tentatives israéliennes visant à réduire à néant leur droit de vivre libre, un droit particulièrement dénié aux détenu-e-s.

J’espère que les organisations de la société civile qui œuvrent en faveur de la justice dans le monde vont étudier la question palestinienne en faisant abstraction de la propagande israélienne et je souhaite qu’elles viennent dans les territoires palestiniens pour faire « l’expérience » de l’occupation et de ses conséquences destructrices pour le peuple palestinien et ainsi comprendre les raisons pour lesquelles nos prisonnier-ères-s sont en grève de la faim.

* elle fait référence à Yigal Amir, le citoyen juif qui a assassiné Yitzhak Rabin.

Reem Amer

Reem Amer est une activiste politique féministe. Elle est la coordinatrice générale de la Coalition des femmes pour la paix.

Le 17 avril, 1 500 prisonnier-ère-s palestinien-ne-s ont entamé une grève de la faim. Ils revendiquent le droit aux visites familiales, le droit de poursuivre des études supérieures, l’accès à des soins de santé et à des traitements médicaux appropriés ainsi que la suppression de l’isolement et de la détention administrative qui autorise l’incarcération sans inculpation ni procès. Autant de droits qui sont pourtant garantis par le droit humanitaire international.

Parmi les 1 500 grévistes, quatre sont des femmes. Tous et toutes sont victimes d’une féroce répression menée par l’administration pénitentiaire qui les empêche notamment de rencontrer leur avocat.

La grève de la faim est le dernier recours à leur disposition pour faire valoir leurs droits, et cette démarche leur fait courir des risques considérables, notamment en ce moment où les grévistes entrent dans leur cinquième semaine de grève. Un certain nombre de grévistes ont déjà été transférés dans des hôpitaux du système pénitentiaire.

Comme je l’ai déjà mentionné, cette grève de la faim dure déjà depuis cinq semaines. Il s’agit d’un moment crucial dans cette lutte pour les droits. J’espère donc que les groupes et organisations de femmes vont apporter tout leur soutien aux détenu-e-s ainsi qu’à leurs familles, leurs mères, femmes et sœurs, en vertu des principes féministes de lutte contre l’oppression, de résistance aux restrictions imposées à la liberté et de recherche d’une paix juste. Il a toujours été déterminant, et c’est encore plus vrai maintenant, que la communauté internationale et les organisations internationales de droits humains fassent pression sur le gouvernement israélien pour qu’il satisfasse les revendications des prisonnier-ère-s avant qu’il ne soit trop tard. En outre, nous avons le pouvoir de mener des actions dans le monde entier en soutien à la cause des prisonnier-ère-s politiques palestinien-ne-s.


Nour Swirki

Nour Swirki est une journaliste et activiste féministe palestinienne de 29 ans. Elle vit dans les territoires palestiniens occupés (plus précisément dans la bande de Gaza).

La grève de la faim est un mode d’action pacifique utilisé par les Palestinien-ne-s détenu-e-s dans les prisons israéliennes pour exercer une pression sur l’administration pénitentiaire et obtenir la satisfaction de leurs revendications, celles-ci relevant du simple respect de leurs droits humains qui sont bafoués par Israël en dépit des traités internationaux relatifs au respect de la personne humaine dans le contexte carcéral.

La grève de la faim est un choix périlleux qui met en grand danger la vie de ceux et celles qui la pratiquent. Mais ces personnes n’ont à leur disposition aucune autre possibilité de faire respecter leurs droits. Nous, Palestinien-ne-s, appelons ce mode d’action « grève de la dignité ». Des vies sont mises en péril, mais il s’agit au final de sauver la dignité humaine et d’améliorer les conditions de détention déplorables qui prévalent dans les prisons israéliennes.

Les revendications des grévistes sont d’ordre purement humanitaire : elles relèvent de la communication avec les familles, de l’accès à des soins de santé de meilleure qualité, de la mise en place d’un système de visites régulier et juste, du traitement humain des prisonnier-ère-s durant les transferts, de la satisfaction des besoins et des revendications des femmes palestiniennes incarcérées ainsi que de la possibilité de suivre des études secondaires et universitaires dans les prisons. Les prisonnier-ère-s revendiquent également l’air climatisé, notamment dans les prisons situées en zones désertiques, la réouverture des cuisines dans les prisons, la possibilité d’avoir accès à des livres, journaux et vêtements, l’autorisation de recevoir de la nourriture pendant les visites, la suppression des politiques d’isolement et de détention administrative ainsi que la libération des détenu-e-s malades ou handicapé-e-s.

Au moment où j’écris ces lignes, 1 700 hommes palestiniens détenus dans les prisons israéliennes sont directement impliqués dans la grève et 59 femmes y participent indirectement (sur un total de 6 500 détenu-e-s palestinien-ne-s). Les femmes se sont impliquées en refusant certains repas quotidiens et en s’excluant des activités de la prison où elles sont incarcérées. Leurs revendications ont toutefois été intégrées à celles de la grève. Les femmes n’ont pas été directement impliquées parce qu’elles n’avaient pas suffisamment d’expérience carcérale et de pratique du travail politique. Il s’agit de jeunes femmes âgées de 18 à 33 ans ainsi que de jeunes filles de 13 et 14 ans. Cette grève de la faim s’inscrit dans le concept de l’appel féministe mondial en faveur de la liberté, de la justice et du respect des droits humains. En tant que féministes, nous sommes conscientes des conséquences de l’injustice et des violations des droits. Les féministes du monde entier doivent donc apporter leur soutien aux revendications des grévistes de la faim.

Malgré les risques considérables que courent les détenus en menant cette grève, le peuple palestinien considère qu’il s’agit là d’une occasion d’obtenir le droit de rendre plus fréquemment visite à leurs fils et filles emprisonné-e-s, mais aussi de faire en sorte que leur voix soit entendue, qu’ils bénéficient de soins de santé de meilleure qualité, qu’ils ne risquent plus de passer des jours, des mois, voire des années en isolement ou encore d’être emprisonné-e-s sans inculpation au titre de la détention administrative. Ce faisant, les Palestiniennes détenues dans les prisons israéliennes pourront peut-être bénéficier de soins de santé appropriés, notamment en fonction de leur cycle menstruel, d’être traitées par un médecin spécialiste, de se voir distribuer de la nourriture de meilleure qualité en plus grande quantité, d’être escortées par des gardiennes de prison plutôt que par des gardiens, de contraindre les forces d’occupation à respecter leur intégrité corporelle et à ne plus pratiquer de fouille à nu et enfin de recevoir des visites des membres de leur famille sur de plus longue durée et sans paroi de séparation vitrée. Les détenu-e-s palestinien-ne-s endurent cette grève de la faim parce qu’ils la considèrent comme un moyen de lutter pour la libération nationale, et les féministes du monde entier devraient leur apporter leur soutien au nom de la liberté et de la dignité humaine.


Rasmea Yousef Odeh

Rasmea Yousef Odeh est la directrice adjointe du Réseau d'action arabo-américain et du Comité des femmes arabes actif au sein de ce réseau. Elle est une membre de premier plan des communautés palestinienne, arabe et musulmane de Chicago. Rasmea est une véritable icône de ces communautés puisqu’elle a surmonté les atroces tortures que lui ont infligées les autorités israéliennes dans les années 1970, au moment où elle a été incarcérée en Palestine. Elle est aussi un exemple pour des millions de Palestinien-ne-s qui n’ont pas abandonné la lutte organisée pour leur droit à la libération, à l’égalité et au retour dans leur pays.

Je crois que la grève de la faim des prisonnier-ère-s palestinien-ne-s est un message empli de dignité et de douleur, un message grâce auquel ils frappent à la porte du char israélien en criant au monde entier qu’il doit leur accorder toute son attention avant qu’il ne soit trop tard. Il s’agit également d’un appel à l’unité des Palestinien-ne-s face au factionalisme et à l’occupation israélienne. C’est aussi un message adressé au monde entier : ces prisonnier-ère-s ont choisi ce mode d’action, malgré les risques qu’ils courent, parce qu’ils ont épuisé tous les autres moyens à leur disposition pour faire valoir leurs droits. Il n’y a plus de retour en arrière possible ! Ils gagneront ou mourront dans la dignité !

La grève de la faim est l’une des tactiques utilisées par le peuple palestinien dans sa lutte contre l’occupation israélienne. Les féministes du monde entier doivent comprendre la réalité qui se joue en Israël. Les forces israéliennes visent délibérément les femmes palestiniennes et leur famille et détruisent leur maison à coup de tir d’artillerie. Les postes de contrôle et le mur de l’apartheid empêchent les familles de se réunir et les malades d’accéder aux hôpitaux et centres de santé. De nombreuses femmes sont privées du droit de donner naissance à leurs enfants de manière naturelle et accouchent dans les postes de contrôle sous les yeux des soldats israéliens. Certaines de ces femmes ont ainsi perdu leur enfant lors de l’accouchement.

En outre, Israël réduit les familles palestiniennes à la pauvreté en confisquant leurs terres et leurs ressources en eau. Les femmes palestiniennes souffrent énormément de ces pratiques. Israël met en œuvre une politique de destruction des maisons et d’assassinat des enfants, maris, sœurs et frères, une politique qui les prive de leur qualité de vie. Cette politique s’inscrit en violation des droits spécifiques des femmes et plus généralement des dispositions de la Convention de Genève (IV), des résolutions des Nations Unies et des réglementations de l’Organisation mondiale de la santé.

C’est le vrai visage d’Israël. Depuis près de 70 ans, mon peuple n’a connu que violence et nettoyage ethnique. Les nombreuses années de négociation en vue de trouver un règlement politique au conflit se sont soldées par des échecs cuisants, notamment parce qu’Israël exige constamment la reconnaissance du caractère juif de l’État, ce qui va à l’encontre de toutes les notions d’égalité et de démocratie. Son objectif est de réduire à néant les droits inaliénables des Palestinien-ne-s, dont le droit au retour, à l’autodétermination, à l’égalité et à l’indépendance.

Aujourd’hui, 6 300 prisonnier-ère-s palestinien-ne-s croupissent dans les prisons israéliennes, dont 60 femmes, certaines étant enceintes, et 156 enfants de moins de 18 ans. Les organisations de droits humains palestiniennes et israéliennes témoignent du fait que la torture est encore utilisée à leur encontre. Le droit international exige que les détenus soient traités humainement à tous les instants, mais ce n’est pas le cas dans les prisons et les centres de détention de l’occupant israélien.

Israël considère les prisonnier-ère-s palestinien-ne-s comme des criminel-le-s et les contraint à vivre dans des conditions atroces au sein de prisons qui ne répondent pas aux critères de base permettant de préserver la dignité humaine. Les détenu-e-s ont fait tous les efforts possibles et utilisé tous les moyens à leur disposition pour exiger le respect de leurs droits humains et une amélioration de leurs conditions de détention, notamment l’extension de leur droit à des visites régulières, la suppression de la paroi vitrée qui sépare les détenu-e-s de leurs proches pendant les visites, l’amélioration des soins de santé qui leur sont dispensés, l’amélioration des repas servis en cuisine, la suppression de la détention administrative (un emprisonnement sans inculpation qui peut durer plusieurs mois), la libération des enfants détenus et la suppression des pratiques d’isolement.

J’appelle toutes les personnes du monde libre à s’élever contre ces pratiques et à apporter leur soutien aux revendications de nos frères, sœurs et enfants. Et je demande à tous et toutes d’œuvrer pour la libération de l’ensemble des détenue-e-s palestinien-ne-s.

Category
Analyses
Source
AWID