Le 13 juillet lors de la 47ème session du Conseil des Droits Humains (CDH), l’ Observatoire sur l‘Universalité des Droits a tenu la réunion parallèle ‘Droits en Péril: Il est Temps d’Agir,’ en collaboration avec le Centre pour les Droits Reproductifs, ILGA World, le Service International pour les Droits de l’Homme, la Fédération Internationale pour la planification familiale et la Mission permanente de la Suède auprès des Nations Unies, à Genève.
L’événement a fait ressortir les messages principaux et les tactiques utilisés par les acteur·trice·s anti-droits pour affaiblir les droits liés au genre et à la sexualité et leur impact à l’échelle nationale, régionale et à celle de l’ONU.
Comme l’a fait remarqué notre modératrice, Ishita Dutta du Comité d’Action Internationale pour la Promotion de la Femme de la Région Asie Pacifique, IWRAW :
“La cooptation du langage des droits humains par les acteur·trice·s anti-droits, l’instrumentalisation du langage humain et l’utilisation du langage des droits humains pour dresser les uns contre les autres ont de sérieuses répercussions sur (nos) droits à l’échelle nationale ; ainsi que les fonds importants qui sont versés aux acteur·trice·s anti-droits.”
L’événement a rassemblé des féministes, des activistes des droits humains ainsi que des titulaires de mandats de l’ONU afin d’explorer des partenariats et des opportunités stratégiques ainsi que des actions pour résister et confronter le backlash anti-droits. Le Rapport Trends de l’Observatoire sur l’Universalité des Droits 2021(OURs) qui vient de sortir, Droits en Péril: Il est Temps d’Agir a identifié un outil-clé pour soutenir le travail des activistes et des décideur·euse·s de politique.
Cela était une conversation importante car comme l’a indiqué Ishita, “les femmes et les activistes des droits humains continuent à s’organiser de manière infatigable dans des situations extrêmement pénibles afin d’assurer que les mots “justice, dignité et droits humains’’ ne deviennent pas obsolètes.”
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Lien de la vidéo: anglais, espagnol, français.
Les faits marquants retenus par les présentateur·trice·s
Umyra Ahmad
Coordinatrice auprès de AWID et de l’Observatoire sur l’Universalité des Droits
- La consolidation et la collusion du nationalisme; des formes diverses de fondamentalismes qui évoluent; la capture de l’état par les entreprises; ainsi que la suprématie blanche et le néo-colonialisme ont propulsé la mobilisation du mouvement anti-droits à l’échelle de l’ONU, régionale et nationale.
- Les acteur·trice·s anti-droits étatiques et non-gouvernementaux se mobilisent sur plusieurs questions, les confessions et les régions pour s’opposer aux droits avec de plus grandes coordination, ressources et mobilisation. Le rapport récent de l’AWID intitulé Où est l’Argent? indiquait qu’aux Etats-Unis, plus de 280 millions de dollars américains provenant de la droite chrétienne ont financé des activités pour faire reculer les droits humains au sein de l’ONU.
- Au lieu de s’exprimer ouvertement contre les droits liés au genre et à la sexualité, les acteur·trice·s anti-droits cooptent et manipulent le langage des droits humains. Durant la session CDH, une déclaration commune sur ‘la Protection de la Famille’ a été présentée par un groupe de pays conservateurs. La COVID 19 a été instrumentalisée pour mettre à l’avant des ‘politiques centrées sur la famille’ refusant de reconnaître la famille comme un site de violence pour les femmes et beaucoup d’autres communautés marginalisées.
- A l’ONU, des acteur·trice·s anti-droits plaident pour la création de “nouveaux droits,” par exemple en tentant d’établir “les droits parentaux” en tant que catégorie qui s’opposerait aux droits sexuels et reproductifs et en particulier l’éducation sexuelle intégrée.
- Pour contrer la vague anti-droits, les mouvements féministes et de droits humains doivent favoriser une meilleure compréhension des contextes, régions, problématiques et s’organiser collectivement afin de faire effet de levier sur plusieurs points d’entrée, de stratégies et de paradigmes.
- Les activistes et titulaires de mandat de l’ONU peuvent s’appuyer sur des outils tels que le rapport Les Droits en Danger et les rapports sur les droits humains de l’ONU pour mieux comprendre comment les acteur·trice·s anti-droits œuvrent pour construire un front uni et répondre ensemble.
- Récemment, OURs a lancé un Appel à l’Action, appelant à prioritiser de manière urgente une mobilisation collective contre la vague anti-droits. Nous demandons aux titulaires de mandats de l’ONU de s’abstenir de légitimer les acteur·trice·s anti-droits et de mieux indiquer les limites à ne pas dépasser.
Morena Herrera
Activiste Féministe et Colectiva Feminista para el Desarrollo Local, El Salvador
- On constate qu’une concentration de pays d’Amérique Centrale criminalisent l’avortement. En El Salvador, sa pénalisation est devenue le point d’ancrage aussi bien du patriarcat que de l’hégémonie néolibérale. Les capacités reproductrices de la femme sont utilisées pour les contrôler et les contraindre à une soumission sociale.
- La crise engendrée par la Covid-19 a exposé l’effondrement des services publiques provoqué par les politiques néolibérales qui ont pillé et privatisé les services publics pendant plusieurs décennies. Il ne reste qu’un soutien minime aux efforts de lutte contre l’impact des inégalités sociales et économiques.
- Les acteur·trice·s conservateur·trice·s et néoconservateur·trice·s travaillent main dans la main avec le gouvernement et les grosses entreprises dans le refus de la protection des droits et en écrasant et réprimant les organisations féministes et toutes autres organisations qui appellent au respect des droits humains.
- Les acteur·trice·s néoconservateur.trice·s bloquent la mise en application des instruments nationaux en matière des droits humains reconnus par l’ONU en argumentant la souveraineté et l’auto-détermination de la nation. En même temps, ces mêmes personnes refusent de reconnaitre le droit des femmes à l’auto-détermination.
- El Salvador est l’un des premiers pays de la région qui avait inclus dans sa constitution nationale “la reconnaissance de la personne humaine dès l’instant où elle est conçue. En réalité, leur souci se limite à la présence de vie chez l’embryon, sans tenir compte ni de la vie et des droits de la mère, ni de ceux de l’enfant à sa naissance.
- Nous célébrons le féminisme internationaliste. Les structures régionales et internationales des droits humains sont fort distantes des réalités sur le terrain mais nous avons l’espoir que la cour interaméricaine des droits humains prononcera prochainement un jugement sur le dossier de Manuela dans le cadre de réparation transformative envers une femme criminalisée pour fausse-couche et qui décéda en prison.
- L’importance de comprendre l’action des organisations anti-droits et comment elles affectent les décisions des systèmes des droits humains. Ceci devrait nous donner de la force et nous pousser à continuer à lutter pour nos droits.
Melissa Upreti
Présidente, Groupe de travail des Nations Unies sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles
- Le Groupe de Travail a rendu public un nouveau rapport portant l’accent sur les facteurs-clés et les tendances qui sapent et menacent le droit à la santé sexuelle et reproductive et l’autonomie des femmes et des filles ; couvrant la période avant et pendant la crise de la Covid-19.
- Le Groupe de Travail a réitéré que les arguments présentés dans le cadre de la diversité culturelle et de la liberté de religion ne peuvent être invoqués pour justifier la discrimination à l’égard des femmes.
- Encore plus récemment, certains Etats ont allégué de manière trompeuse que les défenseur·e·s de l’égalité des genres font la promotion d’une “idéologie sur le genre” qui serait nocive ; et cela avec pour objectif d’agrandir le fossé et d’instrumentaliser l’écart idéologique ainsi que de saper les protections garanties par la loi.
- Dans le cadre de la pandémie, beaucoup de pays ont restreint l’accès certains services de santé reproductive dont l’accès à la contraception et aux avortements sécurisés car ceux-ci ont été jugés non-essentiels. Il y a eu encore d’autres essais d’atténuer des lois existantes et des politiques.
- Le Groupe de Travail a recommandé aux états de repousser activement le conservatisme religieux et les idéologies politiques raciales qui sapent l’égalité des genres ainsi que de s’opposer aux fausses informations et aux positions religieuses qui portent atteinte aux droits de santé sexuelle et reproductive des filles et des femmes.
- Les Procédures Spéciales des Nations Unies ont joué un rôle clé dans la limitation de l’influence des acteur·trice·s anti-droits en rappelant de manière répétitive ce que sont les standards et principes des droits humains ainsi que les obligations des Etats Membres et en demandant leur implémentation.
Nada Awad
Agent de plaidoyer, Institut du Caire pour l’Etudes des Droits de l’Homme
- Le pinkwashing sous forme de violence coloniale nous aide à percevoir comment Israël opprime et tente d’effacer les Palestiniens sur la base du genre et de la sexualité. Tandis qu’Israël fait sa propre promotion en tant que soutient et sauveur des droits LGBTQI,c’est plutôt l’effacement systématique des voix des Palestiniens queer qui existe pour servir et maintenir son intérêt et son récit colonial.
- Associer la mobilisation contre les crimes d’Israël à de l’antisémitisme : Au CDH, l’accusation d’antisémitisme est devenue une arme pour faire taire et discréditer la société civile et les défenseur·e·s des droits humains qui demandent des comptse et qui luttent contre l’occupation de style apartheid par Israël.
- Les femmes et les personnes queer sont affectées de manière disproportionnée par l’apartheid et l’implantation de colonies par Israël ; cela englobe la politique de démolitions des habitations, les évictions forcées et les arrestations d’enfants. D’autre part, dans le cadre de la lutte pour la libération, les droits des femmes sont perçus comme étant de valeur secondaire et devraient être pris en compte après la libération nationale.
- La communauté internationale a sa part de responsabilité dans le maintien de l’impunité d’Israël : par exemple, en 2018, les Etats-Unis se sont retirés du CDH en citant “un parti pris contre Israël au sein du Conseil.”
- Le pinkwashing sous forme de violence coloniale nous aide à percevoir comment Israël opprime et tente d’effacer les Palestiniens sur la base du genre et de la sexualité. Tandis qu’Israël fait sa propre promotion en tant que soutient et sauveur des droits LGBTQI,c’est plutôt l’effacement systématique des voix des Palestiniens queer qui existe pour servir et maintenir son intérêt et son récit colonial.
- Associer la mobilisation contre les crimes d’Israël à de l’antisémitisme : Au CDH, l’accusation d’antisémitisme est devenue une arme pour faire taire et discréditer la société civile et les défenseur·e·s des droits humains qui demandent des comptse et qui luttent contre l’occupation de style apartheid par Israël.
- Les femmes et les personnes queer sont affectées de manière disproportionnée par l’apartheid et l’implantation de colonies par Israël ; cela englobe la politique de démolitions des habitations, les évictions forcées et les arrestations d’enfants. D’autre part, dans le cadre de la lutte pour la libération, les droits des femmes sont perçus comme étant de valeur secondaire et devraient être pris en compte après la libération nationale.
- La communauté internationale a sa part de responsabilité dans le maintien de l’impunité d’Israël : par exemple, en 2018, les Etats-Unis se sont retirés du CDH en citant “un parti pris contre Israël au sein du Conseil.”
- Il est important de connecter les luttes telles que la lutte féministe et la lutte contre le colonialisme.
- La Commission d’Enquête établie durant la 47ème session du CDH fait montre d’un changement massif et positif. Elle demande aux états de ne pas s’arrêter sur les symptômes des violations mais de gérer avec les causes profondes du problème de l’apartheid et de l’implantation des colonies.
Les faits marquants retenus par l’audience
- En Nouvelle-Zélande, quelques groupes ont coopté le langage féministe pour s’attaquer aux droits des personnes transgenres et non-binaires. Des acteur·trice·s anti-droits faisant partie de groupes tels que "Speak Up For Women New Zealand" (Levons la Voix pour les Femmes Nouvelle-Zélande) sont si dévoués aux efforts anti-trans qu’ils sont prêts à s’allier à des sympathisant·e·s ultra-conservateur·trice·s. Ces ‘allié·e·s’ conservateur·trice·s incluent des personnes opposées aux droits de santé sexuelle et reproductrice pour la femme.
- En Bulgarie, des conservateur·trice·s et des groupes religieux ont réussi à faire déclarer par la Cour Constitutionnelle que la Convention d’Istanbul est incompatible avec sa Constitution en raison du terme “genre” en dépit des violences contre les femmes qui sont fort répandues. Depuis, la violence contre les femmes et l’homophobie ont augmenté de manière exponentielle.
- En Allemagne, durant les dernières décennies, nous avons remarqué l’influence grandissante des mouvements de droite conservative anti-féministe/et d’acteur·trice·s anti-droits. Les médecins et personnel de santé effectuant des avortements se font attaquer et des facultés de médecine ont mis fin aux leçons sur comment faire avorter. Les acteur·trice·s anti-droits font même comparaître des médecins au tribunal. Quelques docteur·e·s ont combattu·e·s et sont elles-même devenues femmes défenseures des droits humains! Nous devons intensifier notre lutte.
- Il est toujours plus difficile de confronter les discriminations provenant d’idéologies politiques. Plusieurs des pays des Caraïbes ont ratifié des conventions sur les droits humains et des traités pour finalement essayer de faire adhérer des valeurs conservatrices aux femmes et personnes LGBTQ+ en faisant taire leurs voix sous le poids de lois archaïques. Des agences multilatérales comme les Nations Unies ont le devoir d’adresser ces énormes écarts entre la politique internationale qui contraste avec les lois nationales et les actions sur le terrain.
- Dans les situations où une compréhension patriarcale de la religion fait office de source en matière de loi et de pratique, les lois discriminatoires en matière du droit familial sont un obstacle majeur pour atteindre l’égalité des sexes. Pour aller plus loin: www.musawah.org/campaign-for-justice