DOSSIER DU VENDREDI : En mai de cette année, le gouvernement néerlandais a annoncé la création du Fonds pour le financement du leadership et des opportunités des femmes Funding Leadership and Opportunities for Women (FLOW) Fund— qui constitue le réapprovisionnement du Fonds MDG3 (OMD3) dont les résultats furent très satisfaisants.. Les organisations de défense des droits des femmes et de la société civile satisfaisant aux critères définis peuvent postuler au FLOW jusqu’au 29 juillet 2011.
Le Fonds FLOW est alimenté par 70 millions d’euros et est applicable du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015.
L’AWID s’est entretenu avec Robert Dijksterhuis, Chef du Département de l’égalité des sexes du Ministère des affaires étrangères des Pays-Bas à propos de l’importance stratégique du fonds FLOW pour les organisations de défense des droits des femmes à l’échelon mondial.
Par Kathambi Kinoti
AWID: Vous venez d’annoncer le lancement de FLOW qui correspond à un remaniement et un réapprovisionnement du Fonds OMD3 qui visait principalement le renforcement de l’autonomisation et des droits des femmes dans le monde entier. Pouvez-vous nous retracer brièvement la genèse de ce nouveau Fonds?
Robert Dijksterhuis (RD): Comme nul ne l’ignore, le Fonds OMD3 cesse de fonctionner cette année. Le gouvernement des Pays-Bas accorde une grande importance à l’autonomisation des femmes et des jeunes filles dans le monde entier et ce type de fonds reste très nécessaire. FLOW est actuellement financé par le Ministère des affaires étrangères des Pays-Bas mais le gouvernement irlandais s’est également engagé à fournir une contribution en 2012.
AWID: Quel a été le rôle des organisations des droits des femmes dans le plaidoyer en faveur d’un réapprovisionnement du Fonds OMD3 ?
RD: Je pense que la meilleure contribution a été celle des bénéficiaires du Fonds OMD3, ce qui prouve que l’investissement dans l’égalité de genre est payant. Cela démontre aussi qu’il n’est pas nécessaire de disposer de sommes d’argent considérables pour provoquer un changement durable et positif pour les femmes et pour l'ensemble de la société. Elles ont fait preuve d’un enthousiasme et d’un engagement qui ne sont pas passés inaperçus à l’échelle internationale. Plusieurs ONG et d’autres délégations de gouvernements ont contacté la délégation néerlandaise durant l’Assemblée générale de l’ONU en 2010 pour faire l’éloge du Fonds OMD3 et des activités y afférentes. Certaines ONG néerlandaises, telles que WO=MEN, Plateforme néerlandaise sur le genre, a signalé ce fait à plusieurs parlementaires néerlandais, ce qui s’est traduit ensuite par des commentaires positifs du parlement lui-même.[1]
AWID: Pourquoi le gouvernement néerlandais a-t-il eu, à l’origine, l’idée de mettre sur pied un Fonds visant explicitement le leadership, l’autonomisation et les droits des femmes ?
RD: Le gouvernement néerlandais accorde, par le biais de son Ministère des affaires étrangères, une grande importance à l’autonomisation de tout un chacun, qu’il soit homme ou femme. Nous devons nous efforcer de construire un monde dans lequel tous peuvent prendre leurs propres décisions et vivre leur vie comme ils/elles veulent. Toutefois, un effet supplémentaire s’impose dans le cas des femmes, et ceci est précisément la condition requise pour la réalisation des trois objectifs de FLOW.
AWID: Quelles sont les grandes priorités de FLOW ? Quels sont vos objectifs ? Comment et pourquoi ces priorités ont-elles été définies ?
RD: FLOW a trois priorités pour lesquelles le leadership féminin est considéré comme un instrument important :
La sécurité : Activités conçues pour promouvoir la sécurité à travers la lutte contre la violence faite aux femmes et la participation active de celles-ci à la prise de décisions dans les processus de paix, de sécurité et de reconstruction.
Autonomisation économique : Activités conçues pour promouvoir l’autonomie économique, en permettant aux femmes d’avoir leur mot à dire en matière de sécurité alimentaire, d’emploi et de droits fonciers, ainsi que l’accès sûr à l’eau potable.
La participation et la représentation des femmes dans le domaine politique et dans l’administration publique.
Ces priorités découlent des expériences du Fonds OMD3. Elles répondent, par ailleurs, aux nouvelles priorités de la politique étrangère néerlandaise.
AWID : Quels ont été les principaux succès du Fonds OMD3 en termes de droits des femmes et d’égalité de genre ?
RD: Nous en sommes encore à la phase préliminaire de l’évaluation des résultats du fonds OMD3 car certains projets ont été prolongés au-delà des délais ou du budget prévus. Les résultats définitifs seront probablement définis en début d'année 2012. Certains résultats sont toutefois éloquents tels que l’impact considérable de la campagne Ring the Bell en Inde, ainsi que les actions en faveur des droits fonciers des femmes en Afrique australe et en Ouganda menées, respectivement, par le Netherlands Institute for Southern Africa (NIZA) et MIFUMI. Un autre effet positif, bien qu’inattendu, est l’augmentation du nombre de femmes qui ont adhéré à des syndicats à la suite des activités réalisées par de petites organisations. Ces progrès ont essentiellement été possibles grâce au Fonds pour les droits humains mondiaux (FDHM). En tout près de 40.000 femmes dans le monde entier, dont pratiquement la moitié en Inde ont bénéficié des activités de l’organisation.
AWID : Qu’attendez-vous de FLOW en termes d’impact ?
Nous avons lancé le fonds OMD3 sur la base du constat selon lequel les progrès réalisés en vue de l’OMD3 (le troisième objectif du millénaire pour le développement) étaient encore très lents, à la fois en termes absolus et relatifs. Nous avons souhaité prendre des mesures pour y remédier. Une des façons d’y parvenir était de rendre les femmes capables de défendre leurs intérêts et résoudre elles-mêmes leurs problèmes, ce qui pouvait contribuer à des solutions nouvelles et durables. Notre espoir était que les projets atteignent leurs objectifs de façon à refermer quelque peu l’écart entre les sexes.
Grâce à ses actions, nous espérons pouvoir continuer à démontrer que l’investissement dans l’égalité des droits et des chances en faveur des femmes peut être fait de manières tangibles, faciles et dynamisantes (pour les bailleurs de fonds). Nous espérons que nos efforts contribuent à catalyser un nouveau courant d’investissements dans l’égalité des genres, par exemple des investissements provenant de nouveaux donateurs, de nouveaux pays, sociétés ou ONG. La question posée, dans le cadre du fonds OMD3, était « voyez-vous cette opportunité? » Nous passons maintenant à la vitesse supérieure et demandons aux gens d’approfondir et d’élargir le courant d’investissements en faveur de l’égalité des droits et des opportunités pour les femmes.
AWID : Les fonds OMD3 et FLOW présentent des caractéristiques uniques par rapport à d’autres fonds, car ils se concentrent essentiellement sur le soutien d’organisation de la société civile ; en effet, la majeure partie des bénéficiaires du fonds OMD3 a été des organisations de femmes. Pouvez-vous nous dire comment vous envisagez à l’avenir la relation entre le fonds FLOW et la société civile et en particulier, par rapport à la construction de mouvements de femmes ?
RD: Tout comme le fonds OMD3, FLOW s’adresse aux organisations de la société civile. Ceci est notre option parce que nous considérons que c’est la meilleure façon de produire le changement social. Les processus de changement sur les plans sociaux, culturels, économiques et politiques ne peuvent être imposés à la société uniquement à partir de l’action gouvernementale ; le changement doit également naître de la société elle-même. Nous considérons qu'un réseau efficace d'organisation de la société civile peut contribuer à une plus grande efficacité de ce processus.
Et bien entendu, les organisations de femmes revêtent, pour nous, un intérêt particulier. Le fonds OMD3 a également démontré que d’autres organisations peuvent également contribuer à la réalisation de l’égalité de genre et à la sensibilisation sur la situation des femmes dans le monde, par exemple Gender Wire hébergé par l’Inter Press Service (IPS) et la Confédération syndicale internationale.
Nous espérons que la coopération avec nos bénéficiaires soit féconde. FLOW a choisi d’investir dans les organisations de la société civile parce que celles-ci ont la capacité de déclencher un changement social à travers la construction de mouvements. Cette situation a été très justement évoquée par Mallika Dutt du Breakthrough Trust lorsqu’elle a présenté le projet à la réunion 2010 de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies: « Ce qui a commencé comme une campagne est devenu un mouvement. » Un des aspects dont je suis le plus fier est que le fonds OMD3 est devenu bien plus qu’un simple portefeuille de 45 projets. Les bénéficiaires coopèrent entre eux, échangent des opinions et des expériences et perçoivent leur rôle et leur contribution dans le cadre plus vaste de l’amélioration de l’égalité de genre. Le fonds OMD3 est donc devenu un mouvement en soi. Nous espérons qu’il en ira de même pour FLOW.
AWID : Quels sont les principaux enjeux que FLOW va probablement devoir affronter dans les années à venir? Comment pensez-vous aborder ces enjeux ?
RD: Le principal enjeu actuel pour FLOW est de trouver des organisations partenaires adéquates qui postulent aux subventions de façon à pouvoir maintenir un fonds équilibré qui puisse apporter la meilleure contribution possible à toutes les priorités et soit présent sur tous les continents. Lorsque FLOW sera mis en œuvre en 2012, nous espérons que les bénéficiaires du fonds établissent des connexions entre eux. Dans le cadre du fonds OMD3, les 45 bénéficiaires ont collaboré et ont spontanément formé une petite communauté, essentiellement avec l’aide de l’AWID. Nous espérons qu’un mouvement similaire se produise entre les futurs bénéficiaires de FLOW. Ceci va au-delà de nos capacités et doit être le résultat de l’initiative des bénéficiaires eux-mêmes.
AWID: Quelles sont les possibilités que l’expérience néerlandaise des fonds OMD3 et FLOW inspirent d’autres bailleurs de fonds en termes de soutien du leadership, de l’autonomisation et des droits des femmes ?
RD: Je pense que les fonds OMD3 et FLOW ont démontré qu’il est rentable d’investir dans les femmes. L’octroi de fonds pour l’autonomisation des femmes n’est pas seulement une nécessité, mais est beaucoup plus rentable que ce qu’on peut imaginer. Comme l’indiquent nos règles de conduite : « L’investissement dans les femmes relève d’une sécurité intelligente, d’une économie intelligente et d’une politique intelligente. » Il permet de libérer le potentiel des femmes, ce qui donne un énorme coup de pouce au développement de la société. À l’exception du fonds pour l’égalité des sexes d'ONU Femmes, ce potentiel n'est pas encore assez reconnu par d'autres fonds.
Pour le fonds OMD3, nous avons reçu un soutien financier d’autres bailleurs de fonds et nous espérons sincèrement que ce soutien intervienne également pour FLOW.
Pour conclure, je vous invite à visiter notre site Web www.minbuza.nl/flow où vous pouvez trouver tous les documents officiels relatifs à ce fonds. Le site Web qui est régulièrement actualisé est notre principal moyen de communication et est accessible à d'éventuels intéressés qui n'ont peut-être aucun autre moyen d'obtenir l'information relative à FLOW.
Notes
[1] Le parlement a débattu de et a voté la prolongation du Fonds OMD3 pour les anciens bénéficiaires à la fin 2010. La proposition a été adoptée et le montant supplémentaire approuvé a été de 12 millions d’euros. En 2011, le soutien politique du Fonds s’est manifesté par l’approbation d’un réapprovisionnement total de 70 millions d’euros. (Source: Membre du Ministère des affaires étrangères et membre de la société civile néerlandaise)
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Note: Cet article fait partie de la série hebdomadaire des « Dossier de Vendredi (Friday File en anglais) », de l’AWID qui explore des thèmes et évènements importants à partir de la perspective des droits des femmes. Si vous souhaitez recevoir la lettre d’information hebdomadaire « Dossier du Vendredi », cliquez ici.
Cet article a été traduit de l’anglais par Monique Zachary.