Informez-vous

Votre source d’information par excellence sur les dernières tendances touchant la justice de genre et les droits des femmes dans le monde

Résumé du Webinaire : Dresser des ponts entre nos différences

Conversation entre activistes luttant pour des droits des personnes handicapées, intersexes et trans*

Le 17 août dernier, l'AWID, CREA, la Coalition of African Lesbians (CAL, Coalition des lesbiennes africaines) et RESURJ on tenu un webinaire intitulé « Bridging Gaps (dresser des ponts entre nos différences) », la deuxième d’une série de deux parties créée en amont de la session consacrée au thème général « Intégrité corporelle et liberté » du Forum de l'AWID 2016.


Le concept d’« Intégrité corporelle et liberté » englobe un éventail de sujets qui sont les moteurs de nos différents mouvements. Mais ces derniers, dans leur diversité, n’ont pas nécessairement la même définition de l’intégrité corporelle et de la liberté, ni la même approche de travail visant cet objectif.

Comme l’a fait remarquer notre animatrice, Nidhi Goyal :

« Les personnes handicapées s’intéresseront sans doute à la nécessité d’aborder le thème de la médicalisation des corps handicapés, tandis que les personnes intersexes se concentreront davantage sur la « correction » médicale de leurs corps et que les personnes trans* chercheront à pouvoir choisir leur genre de façon autonome et vivre leur vie conformément à leur choix. Les femmes handicapées se trouvent, par exemple, à la croisée des mouvements de femmes et des mouvements de personnes handicapées, en quête d’une passerelle entre les deux. »

Lors du premier webinaire sur #BodyAndTerritory (#CorpsEtTerritoire), le groupe s’est entretenu sur la fragmentation en silos du travail en faveur de la justice sociale, et de la façon dont cette fragmentation relevait d’une logique d’oppression en elle-même. En gardant à l’esprit ces éléments, le deuxième webinaire a choisi de réunir les perspectives de différents mouvements afin d’insuffler de la force au travail que nous menons avec et entre eux.

Il était important d’avoir cette conversation, car, tel que le mentionnait Nidhi, « quand nous parlons de nos libertés corporelles, il ne s’agit pas de lutter contre une sorte unique de structure du pouvoir, mais de se battre contre les structures multiples et transversales du pouvoir qui façonnent nos vies ».

Pour voir l’enregistrement du webinaire (en anglais)


Points mis en avant par les intervenant-e-s

Adriana Dias

Coordinatrice du Comité sur le handicap et l’accessibilité de l’Association brésilienne d’anthropologie. Coordinatrice de recherche sur les personnes vivant avec une maladie rare auprès de l’Institut Baresi et d’une ONG appelée Essas Mulheres.

  • Les recherches conduites à Campinas, au Brésil, ont révélé que les femmes ayant des troubles de l’apprentissage subissaient neuf fois plus d’abus que la moyenne des femmes.

  • Les recherches ont également montré que 90% des femmes ayant des troubles de l’apprentissage au Brésil étaient victimes d’abus sexuel à un moment donné de leur vie.

  • Dans certains endroits du Brésil, 100% des femmes handicapées ont été stérilisées.

  • Il est nécessaire de transmettre des idées féministes à la société en général afin de combattre les attitudes néfastes qui existent à l’égard des femmes handicapées – le féminisme s’est implanté dans les universités mais n’a pas encore percé au sein de la population générale ni même dans de nombreux mouvements sociaux.

Janet Price

Activiste et universitaire basée à Liverpool, au Royaume Uni, travaillant à la croisée du handicap, de la sexualité et du genre.

  • Il existe des points de convergence entre mouvements féministes et mouvements en faveur des droits des personnes handicapées, notamment en ce qui concerne les questions de « pathologisation », de sexualité, et le sentiment de honte.

  • Les travailleurs-euses du sexe ont été exclu-e-s de tous les mouvements. Le mouvement des personnes handicapées est généralement très conservateur et n’aborde pas des questions de sexe, et encore moins de travail du sexe.

  • Le thème du virus Zika a provoqué une discussion sur les tensions susceptibles de surgir entre les droits reproductifs et les droits des personnes handicapées, mais il apparaît par ailleurs que cette relation n’est pas obligée d’être conflictuelle. Nous devons identifier les liens entre handicap et santé mentale. Lorsque vous perdez votre mobilité, par exemple, vous perdez aussi votre estime de soi, votre cercle social et votre indépendance.

  • La stigmatisation est un sujet transversal. Pour y faire face, nous devons anéantir les hiérarchies existant dans nos propres esprits et parler ouvertement du handicap, notamment des sentiments de culpabilité et de honte.

  • Les victoires du travail entre mouvements, comme par exemple, le cas d’organisations africaines ayant mis en place une coalition entre un groupe de défense des droits des personnes handicapées et un groupe de défense des droits des femmes.

Télécharger la présentation de  Janet (en anglais)

Morgan Carpenter (@morgancarpenter)

Co-président de l’organisation intersexe nationale @oiiaustralia, fondateur d’un nouveau projet international d’une Journée intersexe et conseiller auprès du premier Fonds international pour les droits humains des personnes intersexes.

  • Points de convergence – l’altérisation – les femmes intersexes sont altérisées et ne sont pas considérées comme de « vraies femmes », tout comme les hommes ne sont pas considérés comme de « vrais hommes ». 

  • Le fait de ne pas accorder aux personnes intersexes leur pleine humanité reflète le traitement réservé à d’autres groupes, tels que les sujets racialisés, les femmes et les personnes vivant avec un handicap.

  • La stigmatisation alimente les discours eugéniques – les caractéristiques attribuées aux personnes intersexes et celles attribuées aux personnes handicapées sont perçues comme des raisons légitimes à la sélection prénatale ou à la stérilisation.

  • Nous devons changer de discours et démontrer que les personnes appartenant à ces deux groupes sont capables de mener des vies heureuses et épanouies, sans pour autant céder du terrain sur le droit à l’avortement.

  • Points de divergence – Les femmes intersexes sont marginalisées par le féminisme global, alors que le thème de la mutilation génitale est clairement féministe.

  • Victoires – En 2015, Malte s’est distingué comme étant le premier pays à ériger une loi sur le droit à l’intégrité corporelle et l’autonomie physique. Cette loi interdit la modification des caractéristiques sexuelles des enfants fondée sur des raisons sociales ou culturelles.

  • Victoires – Dans le cadre de l’enquête menée en 2013 par le Sénat sur la stérilisation forcée - une question qui a été examinée par le Comité des Nations Unies contre la torture -, des entités de défense des droits des personnes intersexes et handicapées se sont associées pour promouvoir l’intégrité corporelle des deux groupes.

  • Obstacles – manque de fonds destinés aux personnes travaillant sur les questions intersexes et auprès des différents mouvements. Il nous faut encourager nos fondateurs à « agrandir les cases ».

Télécharger la présentation de Morgan (en anglais)

Leigh Ann van de Merwe

Fondatrice de SHE (Social, Health and Empowerment), un collectif féministe de femmes transgenres travaillant en Afrique australe et orientale.

  • Points de convergence entre les luttes des personnes trans* et celles d’autres mouvements tels que les droits des travailleurs-euses du sexe et le travail sur le VIH – Les femmes trans* travaillent dans l’industrie du sexe pour de nombreuses raisons, notamment des raisons économiques, et parce que c’est une pratique en faveur des genres. Le travail sur le VIH représente un autre espace de convergence avec les luttes des personnes trans*.

  • Convergence entre mouvements féministes et mouvements trans* - la violence fondée sur le genre est une question transversale. Leigh Ann évoquait le souvenir d’avoir été victime de harcèlement, avant sa transition, parce qu’elle était un garçon efféminé, et après sa transition parce qu’elle était une femme, tout simplement.  

  • Points de divergence – la lutte contre la violence fondée sur le genre demeure un espace controversé qui exclut souvent beaucoup de gens.

  • Les questions relatives aux personnes trans* ne devraient pas être considérées comme une « thématique particulière », mais intégrées dans le cadre plus vaste de la santé sexuelle et reproductive et des droits y afférant.

  • Victoires obtenues par les efforts conjoints de différents mouvements visant à plaider en faveur de la décriminalisation du travail du sexe et à encourager les rencontres rassemblant des jeunes femmes, des femmes porteuses du VIH, des femmes rurales et des femmes trans*.

  • Le manuel des féministes trans*, testé l'année prochaine, est un projet destiné à mettre le discours à la portée des femmes au niveau local et communautaire afin qu’elles puissent se servir du féminisme comme d’un cadre de plaidoyer sur les questions relatives aux personnes trans*.destiné à mettre le discours à la portée des femmes au niveau local et communautaire afin qu’elles puissent se servir du féminisme comme d’un cadre de plaidoyer sur les questions relatives aux personnes trans*.


Points mis en avant par l’audience

  • Le fait d’aborder les questions relatives aux soins en faisant une distinction entre les genres constitue parfois un point de tension entre les femmes handicapées et les féministes.

  • Nous devons discuter et établir quels sont les corps auxquels nous accordons de la valeur dans la vie et dans la mort – le massacre récent de personnes handicapées au Japon et le désintérêt des médias par rapport au sujet révèlent que certaines vies et certains corps ne sont pas considérés comme dignes d’être « pleuré-e-s ».

  • La « transmission » et la reproduction de normes (qu’il s’agisse de normes raciales, validistes ou relatives au genre) est un point de convergence entre ces mouvements.

  • Les mouvements sont parfois des espaces très délicats dont les règles peuvent sembler trop dures. L’organisation en mouvements est-elle la meilleure façon pour nous d’amplifier notre voix ? Pouvons-nous proposer des méthodes alternatives pour amplifier notre voix ?

  • Comment créer un espace permettant une réelle transversalité entre les mouvements en dépit des sérieuses contraintes budgétaires ? Les silos permettent essentiellement de créer des exceptions et des circonstances exceptionnelles, ce qui permet d’obtenir davantage de ressources pour certains mouvements.

  • Les mouvements religieux fondamentalistes doivent être considérés comme la principale menace pour l’intégrité corporelle et la liberté.

Category
Analyses
Region
Global