Il y a certains faits que nous ignorons en tant que féministes, et nous les ignorons parce que nous partons du principe que ces « privilèges », qui nous protègent aujourd’hui sous forme de droits, ne furent à un certain moment de l’histoire humaine précisément rien d’autre que cela.
Il y a d’autres faits que nous oublions, et nous les oublions parce que nous considérons qu’il est inutile de nous attarder sur les acquis ; mais nous courrons ainsi le risque de perdre les avantages que de nombreuses femmes ont obtenus pour nous et de conditionner le futur de quelques autres.
C’est le but de notre lutte féministe et de notre proposition solidaire : lutter contre l’oubli, contre la désinformation et contre l’invisibilité de l’existence des femmes dans de nombreux espaces de notre histoire et sur des fronts divers, revendiquer nos victoires et en remporter davantage, sans jamais oublier que notre objectif premier est notre autonomisation.
Cela suppose donc que toute féministe est, par définition, solidaire. Le terme solidarité est synonyme de féminisme. Le féminisme et la solidarité se nourrissent l’un l’autre. Ensemble, ils s’unissent pour nous libérer de tout ce qui nous asservit.
C’est la raison pour laquelle nous sommes et serons solidaires, non seulement avec les femmes d’aujourd’hui, mais aussi avec celles qui nous ont précédées. C’est la raison pour laquelle nous devons penser et exercer la solidarité face au passé et face à l’avenir : face au passé, en nous montrant solidaires des premières luttes féministes et préserver la mémoire des femmes du mouvement féministe qui ont entamé notre libération et la conquête de nos droits. Face au futur, en contextualisant ces luttes, afin que les féministes d’aujourd’hui n’oublient pas que nous portons toujours des chaînes, mais sous différentes formes, que nous ne pouvons baisser la garde, et que l’intensité et les efforts pour libérer le monde de toute pratique d’oppression et de négation ne doivent en aucun cas diminuer.
Nous nous montrons également solidaires de la diversité, et la revendiquons.
Nous savons que la lutte féministe ne peut être dirigée par un groupe homogène de femmes ni s’adresser à un tel groupe et que le féminisme ne connaît ni homogénéité ni unicité. Nous avons appris cela des femmes qui se sont détournées du mouvement féministe original et nous ont permis de repenser, de réélaborer et de construire un féminisme plus solide. Les différences doivent par conséquent être préservées et affirmées afin d’éviter l’exclusion de tout ce qui pourrait sembler différent et d’incorporer de nouveaux paradigmes au féminisme qui nous donnent la possibilité d’avancer dans la direction voulue.
Nous avons, en tant que féministes, un rôle déterminant à jouer dans ce contexte de crise des droits humains et des droits des femmes qui a lieu à l’échelle mondiale. Nous devons revendiquer nos droits, et ne surtout pas oublier qu’il existe des façons diverses de lutter et qu’il est urgent de s’unir à tout ce qui tend à améliorer radicalement notre condition dans ce monde d’oppressions.
Nous sommes féministes parce que nous avons une conscience, parce que nous participons à ce dont d’autres femmes prennent conscience et surtout parce que nous partons du principe que la lutte féministe, avec ses réussites et ses revers, est depuis longtemps une lutte essentiellement solidaire.
Tatiana Sibrián est avocate et étudiante à la maîtrise en Droits humains et éducation pour la paix.