Le 3 mai de chaque année, on souligne et on célèbre la Journée mondiale de la liberté de la presse (JMLP) sur la scène internationale. Il s’agit d’une journée consacrée à honorer la liberté d’expression à titre de droit humain fondamental.
« Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit. » Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme
En 2016, la Journée mondiale de la liberté de la presse se tient sous le thème Accès à l’information et aux libertés fondamentales - C’est votre droit ! L’AWID a demandé à ses membres œuvrant dans les médias et autres domaines connexes, de partager leurs réflexions sur la JMLP et sur l’importance qu’elle revêt dans leur travail. Voici les réponses d’Aleksandra Miletić-Šantić (AMS), originaire de la Bosnie-Herzégovine, aux questions que nous avons posées.
AWID : Quelles sont les principales questions auxquelles vous vous intéressez dans votre travail?
AMS: J’ai travaillé comme journaliste radio à Mostar, en Bosnie-Herzégovine, pendant la guerre de 1992 à 1995. J’ai couvert une gamme de questions, de la sécurité, à la culture, aux prix du marché. Plus tard, j’ai tenu une chronique sur le genre et la sécurité pour le Mission Magazine de la Mission de police de l’Union européenne (MPUE) en Bosnie-Herzégovine. Aujourd’hui, je dirige la section nationale de la Bosnie-Herzégovine du site Web que gère le Programme de formation aux droits de l’homme pour les professionnels du droit du Conseil de l’Europe. J’écris aussi sur les derniers développements dans le domaine des droits humains et de l’éducation relative aux droits humains.
AWID : Pourquoi estimez-vous qu’il est important de commémorer la JMLP le 3 mai?
AMS: La Journée mondiale de la liberté de la presse nous rappelle, à l’échelle planétaire, que la liberté de communication et d’expression par différentes formes de médias constitue l’une des valeurs fondamentales d’un monde démocratique. Cette journée sert également à souligner les incohérences entre les prétendues garanties et la réalité pratique actuelle entourant la liberté et la protection de la presse. La première loi sur la protection de la presse a été adoptée en Suède en 1766. La liberté de la presse est également évoquée dans le Premier amendement de la Constitution des États-Unis, créée en 1791. En dépit des soi-disant garanties relatives à la liberté de la presse que comportent tous les instruments internationaux de droits humains, les journalistes du monde entier doivent encore composer avec le harcèlement, l’intimidation et la violence. Qui plus est, les femmes journalistes sont particulièrement exposées à la violence et au harcèlement sexuels, où l’on constate une recrudescence dans les communications en ligne. Selon Reporters sans frontières (RSF), 110 journalistes ont été tués en raison de leur métier ou sont décédés de morts suspectes en 2015.
AWID : Pour vous, que signifie la JMLP?
AMS: Cette journée souligne également l’importance de la responsabilité des médias de rapporter les nouvelles dans l’intérêt du public. Malheureusement, je témoigne à tous les jours de la détérioration des normes relatives aux reportages dans mon pays, qui sont bien loin d’illustrer un journalisme objectif, exact et indépendant. Une partie des reportages des médias exacerbe les tensions et les divisions ethniques, déjà profondément ancrées, et plusieurs [journalistes] travaillent à la promotion d’alternatives politiques bien précises.
AWID : Est-ce que vous témoignez de changements positifs et encourageants sur le terrain (là où vous travaillez) en matière de liberté de la presse?
AMS: Le changement positif et encourageant s’observe dans la montée du journalisme d’enquête en Bosnie-Herzégovine. Ce qui est appréciable consiste à ce que les journalistes d’enquête tentent de recentrer l’attention des gens du public sur des sujets d’importance intrinsèque à leur vie et à leur avenir. Alors que je lis leurs rapports sur les médias sociaux, je dois malheureusement avouer que l’ensemble de la communauté ne reconnaît pas suffisamment ce type de reportages.
AWID : Selon vous, quel est l’élément crucial sur lequel jeter la lumière en cette journée?
AMS: L’obligation des gouvernements de fournir les conditions propices aux reportages libres et de protéger les sources journalistiques.
AWID : Est-ce que vous souhaitez ajouter autre chose à propos de la Journée mondiale de la liberté de la presse?
AMS: Il importe de se rappeler l’obligation et le devoir moral du journalisme responsable, particulièrement en termes de protection de la vie privée. J’aimerais aussi insister sur l’importance du récent arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Delfi AS c. Estonie, concluant que le portail d’actualités Delfi est responsable des commentaires diffamatoires laissés anonymement en ligne de la part des membres de son lectorat.