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Pourquoi la CPD est une victoire pour les jeunes

DOSSIER DU VENDREDI : Le 27 avril, à l’occasion de sa 45ème session, la Commission de la population et du développement des Nations Unies (CPD) a adopté une résolution décisive sur la santé et les droits en matière de sexualité et de reproduction des adolescents et des jeunes.

AWID a interviewé les membres fondatrices de RESURJ, Neha Sood (conseillère, droits des femmes, droits sexuels et reproductifs) et Alexandra Garita (responsable principale de l’élaboration des programmes à l’IWHC, politiques internationales) pour connaître leur avis sur les effets de cette résolution sur la santé et les droits en matière de sexualité et de reproduction des jeunes hommes et jeunes femmes.

Par Ani Colekessian

AWID : Quels éléments rendent cette résolution décisive et pourquoi est-il important de compter sur un document sur la santé et les droits en matière de sexualité et de reproduction (SRHR) qui soit spécifique aux adolescents et aux jeunes ?

Neha Sood (NS) : La CPD est un organe des Nations Unies (ONU) qui suit la mise en œuvre du Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD) qui doit servir de guide aux gouvernements dans la mise sur pied de politiques de population qui respectent intégralement les droits reproductifs des femmes. Lors de cette session, la Commission a abordé pour la première fois des problématiques spécifiques aux adolescents et aux jeunes, à l’heure où la part de la population mondiale d’adolescents et de jeunes âgés de 10 à 24 ans a battu son record historique. La sexualité et la santé et les droits en matière de sexualité et de reproduction sont des sujets sensibles dans beaucoup de régions du monde, surtout quand il est question d’adolescents et de jeunes et en particulier de jeunes célibataires, handicapés ou homosexuels. Dès lors, il s’avère indispensable de faire avancer ces sujets dans le discours public et les politiques nationales et internationales.

Alexandra Garita (AG) : Si cette résolution est « décisive », c’est parce que c’est la première fois dans l’histoire de l’ONU que les gouvernements acceptent d’inscrire les droits humains et la santé des 1,8 milliard d’adolescents et de jeunes de la planète parmi les axes prioritaires du développement. Si cette résolution sert de référence pour la planification du développement à l’échelon national, elle pourrait permettre des avancées significatives. Pour moi, cette résolution est peut-être la plus complète existant à l’heure actuelle pour ce groupe de population précis. Elle contient des éléments clés pouvant supprimer les obstacles à l’accès intégral à l’éducation sexuelle des adolescents et des jeunes ; elle demande aux prestataires de soins de santé de respecter leur vie privée et confidentialité tout en leur fournissant des soins de santé intégrés, dont des moyens de contraception, des préservatifs masculins et féminins, des possibilités de subir une interruption volontaire de grossesse en toute sécurité lorsque c’est légal ainsi que des traitements et activités de prévention en matière de VIH/MST. On peut surtout applaudir que cette résolution reconnaisse le droit des adolescents (mineurs au regard de la loi) à exercer un contrôle sur leur sexualité et à prendre des décisions librement sur tout aspect y relatif. C’est ce que nous entendons par « droits sexuels », c’est-à-dire reconnaître leur capacité à prendre des décisions informées sur la possibilité d’avoir des rapports sexuels, quand, comment et avec qui et leur droit à dire « oui » ou « non » à toute activité sexuelle, relation, mariage, etc.

AWID : Quels sont les défis qui ont été identifiés par la CPD ? La résolution comporte-t-elle encore des lacunes importantes ?

NS : Certains gouvernements continuent de mettre en question les notions de droits reproductifs et de droits sexuels établies au Caire et à Beijingrespectivement et de limiter leur définition. Certaines questions telles que l’avortement, le travail sexuel, l’orientation sexuelle, l’identité de genre et l’éducation sexuelle ne font pas l'objet d'un consensus. Il en découle que les mouvements nationaux doivent continuer de forger le discours public et défendre des politiques et programmes affirmant les droits liés à ces questions. Il aurait été idéal que cette résolution reconnaisse la discrimination et la violence dont les adolescents et jeunes lesbiennes, gays, bisexuels, trans, homosexuels et intersexes (LGBTQI) sont victimes au sein de leurs familles, communautés, écoles, institutions de santé et dans les politiques nationales ; et que la résolution contraigne les États signataires à assurer la protection des adolescents et des jeunes, lutter contre la discrimination, revoir leur législation et former leurs fonctionnaires à ces problématiques.

AG : Comme pour toute négociation intergouvernementale, les difficultés résident dans la réticence de la plupart des gouvernements à parler ouvertement des problématiques liées au sexe et à la sexualité et à les prendre au sérieux. C’est particulièrement vrai pour certains gouvernements conservateurs qui cherchent à « protéger » la notion de « famille naturelle », c’est-à-dire mari, femmes et enfants, où priment les divisions classiques du travail et qui continue de reléguer les femmes à un rôle reproductif. L’autre débat portait sur l’inclusion au texte d’une clause sur la souveraineté nationale, ce qui au fond pourrait saper le contenu du reste de la résolution. La seule « lacune » est à mon sens l’absence d’une disposition que nous défendions et qui visait à protéger les jeunes de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.

AWID : Pouvez-vous nous parler de la participation de jeunes activistes et de vos organisations dans le processus qui a précédé la session de la CPD et à la session même?NS : Plusieurs organisations de jeunes et activistes se sont impliquées dans la CPD en faisant pression sur les gouvernements et en utilisant les réseaux sociaux pour informer et mobiliser les jeunes sur la CPD. Certains ont même représenté leur gouvernement en tant que délégués nationaux.

AG : L’IWHC, l’organisation Development Alternatives with Women for a New Era (DAWN), des membres de RESURJ et des collègues d’Amnesty International ont travaillé main dans la main pendant plusieurs mois avant la CPD dans le but de garantir la présence de représentantes féministes de taille au sein des délégations nationales des gouvernements du Sud (Brésil, Philippines, Mexique, Uruguay, Argentine, Indonésie, entre autres). Ils ont aussi défendu l’utilisation de l’avant-projet comme document de base, veillé à ce que les gouvernements défendent des positions fortes en accord avec leurs propres politiques et programmes, que le gouvernement des États-Unis affiche son soutien, que la présidence des négociations (l’Indonésie) soutienne la production d’un document final fort et à ce que les délégations européennes ayant les mêmes points de vue adoptent une stratégie commune. Pendant les négociations même, nous avons pu mobiliser des activistes des droits des femmes et des droits des jeunes pour faire du lobbying auprès de leurs gouvernements en leur transmettant des messages clés, travaillé avec les médias pour assurer la visibilité des négociations, réuni des délégations afin qu’elles forment un front commun en matière de SRHR et avons tenu des séances quotidiennes, tous les matins, afin d’être tou-te-s informé-e-s et fort-e-s au fil de la semaine.

AWID : Quelles sont les conséquences concrètes de cette résolution pour les jeunes femmes au niveau local ?

NS : Cette résolution a maintes conséquences. Elle pousse les gouvernements à mettre en œuvre des politiques et programmes sur la SRHR et l’égalité des genres. En outre, la résolution encourage les investissements dans la santé sexuelle et reproductive, l’éducation sexuelle et l’autonomisation des filles et des jeunes femmes. Enfin, elle renforce les mouvements nationaux de défense des droits et de la santé sexuelle et reproductive des femmes et des jeunes, car elle constitue un nouvel outil pour la défense de ces droits. Il en résulte qu’avec le soutien et sous le contrôle de la sécurité civile, dont des groupes de femmes et de jeunes, les gouvernements vont redoubler d’efforts pour éduquer et autonomiser les filles et les jeunes femmes, fournir des services de santé sexuelle et reproductive de qualité et une éducation sexuelle intégrale et consolider les mesures vers l’égalité des genres au moyen de politiques et d’éducation publique.

AG : Cette résolution n’aura de poids que si les jeunes femmes elles-mêmes la véhiculent dans leurs communautés et l’emploient pour exiger la mise en œuvre de politiques et de programmes. Nous constatons que c’est déjà le cas dans bon nombre de pays où au nom de la résolution, les jeunes femmes refusent les mariages précoces, mettent sur pied des programmes d’éducation sexuelle intégraux, transmettent des informations à leurs pairs et revendiquent leur droit à connaître leur corps et leurs droits au sein des services de santé.

AWID : En dépit des évènements récents survenus à la CSW 2012 où pour la première fois, on n’a pas produit de document de conclusions concertées, vous ne semblez pas surprises par les résultats de la CPD. Pourquoi ?

NS : Les gouvernements, les organes des Nations Unies et la société civile étaient engagés et ont travaillé d'arrache-pied pour que la CPD ait de véritables effets positifs sur les adolescents et les jeunes. L’Indonésie, qui exerçait la présidence de la session, a tenu des réunions préparatoires avec d’autres pays au cours des mois qui ont précédé la CPD. Le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) a contacté plusieurs gouvernements à l’avance pour leur fournir des conseils techniques. Des groupes de jeunes, de femmes et autres organisations liées à la SRHR ont milité auprès des gouvernements, les ont informés et ont veillé à faire partie des délégations nationales. Par conséquent, nous attendions un résultat concluant et nos attentes ont été comblées !

AG : L’échec de la CSW s’explique par le fait que les organisations pour les droits des femmes n’ont pas adopté de stratégie et ont peu participé aux négociations. En outre, la participation d’ONU femmes a laissé à désirer et l’ambiance de la commission était conservatrice. Cet échec a mis la pression sur les gouvernements pour qu’ils défendent les droits humains des femmes à la CPD et évitent que quelques idéologues – sans instruction de leur pays – ignorent les vues de celui-ci au nom de leurs propres croyances.

AWID : Quelles sont les conséquences de l’intégration de cette résolution aux processus de Rio+20 et de CIPD+20 ?

NS : Cette résolution deviendra ce que nous en faisons. Nous devons nous en servir et nous asseoir sur cet outil les progrès futurs, y inclus Rio+20, les prochaines sessions CPD et CIPD+20. À Rio+20, nous devons nous servir du Programme d’action de la CIPD et de sa résolution pour lier la SRHR au développement durable et nous devons découpler la question de l'accroissement de la population des discussions sur diverses crises (eau, aliments, énergie, climat, etc.), car cet amalgame peut appeler l'argument selon lequel il faut faire baisser le taux de fécondité plutôt que protéger les droits individuels des femmes à l’autonomie reproductive. Au cours du processus CIPD+20, nous devons veiller à ce que les questions liées à la SRHR des adolescents et des jeunes reconnues dans cette résolution soient incluses dans l’analyse et à ce que des engagements soient pris, en vue d'atteindre les échéances de ces objectifs.

AG : Nous avons déjà réussi à intégrer aux négociations de Rio+20 la problématique des droits des femmes, des hommes et des adolescents à décider de leur sexualité, et ce, dans la section portant sur l'égalité des genres. Nous travaillons sans relâche pour garantir que ce thème soit retenu. Nous espérons aussi que cette résolution donnera aux gouvernements et aux féministes l'énergie et le mandat de maintenir les acquis des accords du Caire et de Beijing et d'aller encore de l'avant pour garantir l'exercice de la SRHR au cours des vingt prochaines années.

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Note: Cet article fait partie de la série hebdomadaire des « Dossier de Vendredi (Friday File en anglais) », de l’AWID qui explore des thèmes et évènements importants à partir de la perspective des droits des femmes. Si vous souhaitez recevoir la lettre d’information hebdomadaire « Dossier du Vendredi », cliquez ici.

Cet article a été traduit de l’anglais par Monique Zachary.

Category
Analyses
Region
Global
Source
AWID