Plus de la moitié des femmes incluses dans l’hommage 2017 de l’AWID aux femmes activistes ont été assassinées parce qu’elles défendaient leurs droits. Parmi ces femmes tuées, certaines luttaient pour protéger leurs terres de l’État ou d’entreprises multinationales, dénonçaient les injustices et la corruption, ou revendiquaient les droits des personnes lesbiennes, gay et trans.
Alors que des milliers d’hommes défendent les droits humains, les femmes et personnes non-binaires affrontent des défis particuliers dans leur activisme. Iels sont visé-e-s pour leur genre, et non seulement pour leur contestation. Et dans les pays où le rôle traditionnel de la femme est de rester à la maison, les défenseur-e-s des droits des femmes sont d’autant plus susceptibles d’être attaqué-e-s que les hommes, car on considère qu’iels ne respectent pas les normes sociales.
Pour marquer la Journée internationale des défenseur-e-s des droits humains ce mercredi, nous rendons hommage à certaines des femmes tuées cette année à cause de leur activisme.
Emilsen Manyoma, Colombie
Emilsen Manyoma était la leader des Comunidades Construyendo Paz en los Territorios (CONPAZ - Communautés bâtissant la paix dans les territoires), basées à Buenaventura. L’organisation travaillait avec des communautés déplacées par les compagnies qui réquisitionnaient leurs terres pour des projets miniers et agricoles. La région est marquée par la présence de paramilitaires et des trafiquants de drogues. Manyoma avait documenté des assassinats et des disparitions forcées, et était ouvertement critique à l’égard des compagnies qui délogeaient les personnes de leurs terres. Elle a été tuée avec son mari, Joe Javier Rodallega. Leurs corps ont été retrouvés le 17 janvier.
Shifa Gardi, Iraq
Shifa Gardi était journaliste pour la chaîne kurde Rudaw. Elle avait été reconnue comme ayant brisé « les stéréotypes d’un journalisme dominé par les hommes ». Elle a été tuée par une bombe placée en bord de route alors qu’elle couvrait la bataille de Mossoul le 25 février.
Ruth Alicia López Guisao, Colombie
Ruth Alicia était une leader communautaire et défenseure des droits humains très respectée. Elle travaillait avec les communautés Autochtones et afro-descendantes de Medio San Juan sur un projet de sécurité alimentaire, et était membre de l’Asociación Agroecológica Interétnica e Intercultural (Association agro-écologique interethnique et interculturelle). Elle a été tuée le 2 mars 2017 par deux hommes armés non identifiés.
Sherly Montoya, Honduras
Sherly Montoya était membre du Grupo de Mujeres Transexuales – Muñecas de Arcoíris (Groupe de femmes transsexuelles – Poupées arc-en-ciel), qui militait pour les questions relatives aux femmes transgenres. Le groupe est membre de l’Asociación LGTB Arcoíris, une organisation œuvrant en faveur de l’égalité et de la justice pour la communauté LGBTQI du Honduras. Son corps a été découvert dans le capitale, Tegucipalga, le 4 avril.
Miroslava Breach Velducea, Mexique
Miroslava Breach Velducea avait été journaliste pour le quotidien national La Jornada, entre autres publications, avant de lancer sa propre chaîne d’informations, MIR, cette année. Elle se passionnait pour les questions en lien avec les crimes, la politique et la corruption. Elle a été abattue de huit balles alors qu’elle quittait son domicile à Chihuahua, le 23 mars. D’après la BBC, un mot laissé sur la scène du crime aurait précisé : « Pour avoir trop parlé ».
Miriam Rodríguez Martínez, Mexique
Miriam Rodríguez Martínez a commencé à militer et est devenue leader du Collectif des personnes disparues à San Fernando, Tamaulipas, suite à la disparition de sa fille en 2012. Elle a mené sa propre enquête, déterré la dépouille de sa fille et trouvé des informations qui incriminaient le cartel local de la drogue Los Zetas. Le 10 mai, Fête des mères au Mexique, elle a été tuée de 12 balles par un groupe d’hommes armés.
Yoryanis Isabel Bernal Varela, Colombie
Yoryanis Isabel Bernal Varela luttait pour les droits des femmes Autochtones. Elle était leader de la tribu des Wiwa dans la Sierra Nevada de Santa Marta. Des assaillants armés à moto ont tué Yoryanis Isabel en janvier.
Patricia Villamil Perdomo, Honduras
Patricia Villamil Perdomo défendait les droits des personnes migrantes. Consule hondurienne à Tapachula, au Mexique, elle a dénoncé l’existence d’un réseau de traite des personnes, dont les activités auraient été connues des autorités étatiques. Elle condamnait également les groupes de traite des personnes qui œuvraient le long de la frontière sud du Mexique. Elle aurait reçu trois menaces écrites signées du « Z » du cartel de la drogue « Los Zetas ». Elle a été retrouvée morte à son domicile le 20 mars. Elle aurait été étouffée.
Micaela García, Argentine
Micaela García était une activiste militant en faveur des droits des femmes et membres de l’organisation de gauche JP Evita. Elle était également impliquée dans le mouvement de protestation Ni una menos (« Pas une de moins ») qui lutte contre les violences basées sur le genre. Elle poursuivait ses études pour devenir enseignante. Son corps a été retrouvé à Gualeguay, dans le nord de Buenos Aires, une semaine après sa disparition en avril 2017.
Meztli Omixochitl Sarabia Reyna, Mexique
Meztli Omixochiltl faisait partie de l’Unión Popular de Vendedores Ambulantes 28 de Octubre (Upva), une organisation défendant les droits des vendeur-euse-s ambulant-e-s. De nombreux-euses membres de l’Upva, basé à Pueblo, ont reçu des menaces de mort et ont été attaqués. Elle a reçu deux balles au cours d’une attaque des bureaux du groupe le 29 juin.
Idaly Castillo Narváez, Colombie
Idaly Castillo Narváez était une leader communautaire et membre du groupe local de victimes Mesa de Participación de Víctimas del Municipio (Bureau de participation des victimes de la municipalité) dans l’état de Cauca, en Colombie. Elle a été tuée au mois d’août. Son corps portait des traces de torture et de viol.
Leonela Tapdasan Pesadilla, Philippines
Leonela Tapdasan Pesadilla était membre de l’Association des agriculteur-trice-s de Compostela (CFA), qui s’oppose aux projets miniers de grande envergure dans la région. Les membres du CFA ont été la cible des forces de sécurité étatiques. Elle et son mari avaient fait don d’une parcelle de terre pour la création d’une école pour les enfants Autochtones à Mindanao. Tous deux ont été assassiné-e-s par balles, chez eux, le 2 mars.
Mia Manuelita Mascariñas-Green, Philippines
Mia Manuelita Mascariñas-Green était avocate au centre d’assistance juridique environnementale, un réseau d’avocat-e-s bénévoles. Elle travaillait sur des cas en lien avec les droits fonciers. Elle a été prise dans une embuscade et tuée par balles dans sa voiture par quatre hommes armés près de chez elle, sur l’île de Bohol, le 15 février. Ses trois enfants et leur nourrice étaient avec elle dans la voiture.
Laura Leonor Vásquez Pineda, Guatemala
Laura Leonor Vásquez Pineda comptait parmi les leaders du Comité pour la défense de la vie et de la paix à San Rafael Las Flores. Ce comité s’opposait activement à la mine El Escobal, propriété de l’entreprise canadienne Tahoe Resources. Du fait de son activisme, elle a été arrêtée et emprisonnée pendant sept mois, avant l’abandon des poursuites. Elle a été tuée par balles par un groupe d’hommes qui s’est introduit chez elle le 16 janvier.
Gauri Lankesh, Inde
Gauri Lankesh était une journaliste des droits humains de renom, critiquant ouvertement le système de castes en vigueur dans le pays et les nationalistes hindous de droite. Lankesh travaillait pour le Times of India, et était rédactrice d’un journal en langue kannada. Elle a été déclarée coupable de diffamation l’an dernier à propos d’une histoire accusant de vol des membres du parti indien Bharatiya Janata au pouvoir. Elle a été tuée par balles devant chez elle le 5 septembre.
Orouba Barakat, Syrie
Orouba était une fervente activiste des droits humains et membre de la Coalition nationale syrienne. Elle s’opposait aux régimes de Hafez et Bachar al-Assad depuis les années 1980. Barakat aurait été en train de mener des enquêtes sur la torture dans les prisons au mains des forces du gouvernement. En septembre, Barakat et sa fille, Halla, journaliste, ont été poignardées chez elles à Istanbul. « La main de la tyrannie et de l’injustice a assassiné ma sœur, Dr. Orouba, et sa fille Halla » écrivit Shaza, la sœur d’Orouba, sur Facebook.
Efigenia Vásquez Astudillo, Colombie
Efigenia Vásquez Astudillo était journaliste Autochtone pour Renacer Kokonuko, une radio communautaire dirigée par le peuple Autochtone kokonuko. Elle a reçu des tirs de balles le 8 octobre, alors qu’elle couvrait les heurts entre la police et des membres d’une communauté locale occupant des terres à Puracé, dans le département du sud-ouest de Cauca. Elle a succombé à ses blessures à l’hôpital.
Jennifer López, Mexique
Jennifer López était une activiste trans qui militait pour les droits de la communauté LGBTQI à Ometepec, dans l’État de Guerrero. L’activiste bien connue a été assassinée en mai.
Daphne Caruana Galizia, Malte
Daphne Caruana Galizia était une journaliste d’investigation et activiste environnementale de renom. Elle faisait régulièrement des reportages pour The Sunday Times de Malte, The Malta Independent et tenait un blogue. Elle menait l’enquête sur la corruption des Panama Papers à Malte. Elle avait reçu plusieurs menaces de mort. Elle a été tuée, le 16 octobre, dans une attaque à la voiture piégée près de chez elle.
Aysin Büyüknohutçu, Turquie
Aysin Büyüknohutçu, une défenseure de l’environnement et fermière, était activement impliquée dans la politique locale et le combat civil et légal contre les mines de pierre dans le district de Finike et dans l’ensemble de l’Antalya. Avec son mari, également militant environnementaliste bien connu, Büyüknohutçu a mené une campagne et un procès contre une carrière de marbre, parvenant à en faire arrêter l’exploitation. Elle et son mari ont été assassinés chez eux, au mois de mai.
Jane Julia de Oliveira, Brésil
Jane Julia de Oliveira était une défenseure de l’environnement dans l’État de Pará. Elle était président de l’Associação dos Trabalhadores e Trabalhadoras Rurais (Association des travailleurs ruraux et travailleuses rurales). Le 24 mai, elle et neuf autres activistes ont été abattu-e-s sur la ferme qu’ils et elles occupaient. Les meurtres ont été perpétrés alors que la police était sur la ferme pour arrêter tout le groupe.
Rosalyn Albaniel Evara, Papouasie-Nouvelle-Guinée
Rosalyn Albaniel Evara était une journaliste et rédactrice économique bien connue au Post-Courier, le plus grand journal de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le 15 octobre, elle s’est soudainement effondrée chez elle et est décédée peu après son arrivée à l’hôpital de Port Moresby. Lors de ses funérailles, la tante d’Evara, activiste pour les droits humains et militante contre les violences faites aux femmes, a révélé qu’Evara avait été victime d’abus physiques continus. Les funérailles ont été arrêtées, et une autopsie et une enquête ont été ordonnées.
Luz Yeni Montaño, Colombie
Luz Yeni Montaño, membre du Comité d’action communautaire de Tumaco, dans le département de Nariño, avait défendu les personnes déplacées de la région. Elle dénonçait également les assassinats systématiques de leaders communautaires en Colombie. Le 12 novembre, elle a été abattue par des hommes armés à moto.
Kátia Martins, Brésil
Kátia Martins était une leader du mouvement des droits fonciers et une défenseure environnementaliste dans l’État de Pará. Elle était présidente de l’Association des familles de fermiers et avaient passé sa vie à se battre pour une meilleure qualité de vie pour les fermiers. Elle avait été menacée par des groupes qui voulaient occuper la terre sur laquelle elle vivait et, au mois de mai, elle a été abattue de cinq balles devant chez elle par des assaillants inconnus à moto.
Maria da Lurdes Fernandes Silva, Brésil
Maria da Lurdes Fernandes Silva était une leader communautaire du mouvement des droits fonciers et défenseure environnementaliste dans l’État de Pará. Elle dénonçait l’acquisition illégale de terres dans la région. Elle et son mari avaient reçu des menaces de mort. Le 26 juillet, elle a été abattue chez elle par des assaillants inconnus. Son mari a également été tué.
La liste complète des défenseur-e-s des droits humains mort-e-s depuis 2012 est disponible sur l’hommage en ligne de l’AWID. Crédits photos : AWID. Illustration par Carol Rossetti/Awid
Cet article a été initialement publié dans The Guardian