La directrice de l’ONG Nazra for Feminist studies (Nazra pour les Études féministes) bénéficie d’un très large appui face aux allégations d’illégalité portées à l’encontre de l’ONG, à un moment où la répression contre la société civile ne cesse d’augmenter dans son pays.
La directrice d’une organisation de droits des femmes a fait preuve d’intransigeance après avoir fait l’objet d’une enquête lancée par les autorités égyptiennes, dans le cadre de la répression qu’elles mènent contre la société civile.
Mozn Hassan, directrice générale de l’organisation Nazra for Feminist Studies, a déclaré que son organisation continuera à travailler, quoi qu’il lui arrive.
Mozn Hassan a été convoquée pour un interrogatoire, avec d’autres membres du personnel, à la suite d’allégations d’agissements illégaux de la part de son organisation.
« D’autres personnes poursuivront mes activités », affirme-t-elle. « Je sais que c’est mon choix. J’ai cette passion pour le féminisme dans mon pays. Nazra est le résultat d’un parcours particulier, même si cette affirmation peut sembler un peu facile. Il ne s’agit pas (d’une) personne – nous avons vraiment réussi à créer un collectif ».
« Je sais que d’autres personnes en Égypte gèrent la situation. Il ne s’agit pas de mon existence personnelle… Je pense que les personnes qui ont participé à ce processus persévèreront. »
Hassan, qui s’exprimait à l’occasion de la Commission sur la condition de la femme à New York au début du mois, a reçu une citation à comparaître devant les autorités au cours de cette réunion annuelle de deux semaines.
Elle devait être interrogée mardi, mais l’audience a été repoussée.
Cette semaine, les activistes des droits des femmes et le monde académique international ont signé des déclarations dénonçant l’attaque visant l’organisation Nazra et la répression grandissante à l’encontre des groupes féministes et de leurs défenseur-e-s.
Lundi, à l’occasion d’une déclaration, 43 organisations des droits des femmes ont condamné « le ciblage croissant des organisations de la société civile en Égypte, et en particulier, le ciblage par les autorités égyptiennes de l’organisation féministe égyptienne Nazra for feminist studies, fondée par Mozn Hassan, défenseuse des droits humains des femmes, éminente féministe, connue également pour son travail considérable en matière de construction de mouvements féministes et pour sa lutte contre la violence sexuelle dans l’espace public. »
La déclaration a également ajouté que l’injonction dont Hassan a fait l’objet « a succédé à plusieurs mesures visant à étouffer son activisme dans l’espace public, notamment lors de campagnes systémiques de diffamation contre elle et d’autres dirigeant-e-s de la société civile, au musellement de la presse pour avoir couvert l’affaire des financements étrangers, en plus de l’absence de transparence et de la non notification des accusations dirigées contre (elle) jusqu’à présent. »
Cette déclaration en soutien à Mozn Hassan est appuyée par 43 organisations du monde entier. Photographie publiée avec l’autorisation de Mozn Hassan.
La déclaration réclame que les autorités égyptiennes abandonnent leurs poursuites contre Nazra. « L’État égyptien devrait plutôt adopter toutes les mesures nécessaires pour reconnaître l’importance et la portée des actions déployées par Mme Hassan dans le domaine de la promotion des droits des femmes, de l’accès à des services de soutien pour les survivantes de violences sexuelles, et pour son discours féministe qui est contre toute forme de violence et d’extrémisme.»
Une autre déclaration, signée par 130 universitaires, ajoute :
« En tant que chercheur-e-s, professeur-e-s universitaires, spécialistes engagé-e-s et concerné-e-s socialement et politiquement, nous considérons que l’enquête contre Mozn Hassan menace directement l’engagement féministe et activiste de Nazra for Feminist studies, dont les travaux se sont efforcés de contribuer à la continuité et au développement du mouvement féministe en Égypte. Nous considérons également que cette enquête s’inscrit dans le cadre de la vaste répression exercée à l’encontre des organisations de la société civile, et contre les libertés et les droits fondamentaux en Égypte, y compris les libertés académiques. »
Mme Hassan fait l’objet de l’enquête 173/2011, connue sous le nom de « Foreign funding case » (l’affaire des financements étrangers), enquête qui cible les ONG locales et internationales, les accusant de recevoir illégalement des financements étrangers.
L’enquête qui avait débuté en 2011 avait abouti à la condamnation de 43 employé-e-s d’ONG en 2013. Le gouvernement a récemment rouvert ce dossier, qui a débouché sur des interdictions de voyage, au gel d’actifs et à l’interrogatoire d’activistes connu-e-s.
Parmi les autres groupes qui font actuellement l’objet de cette enquête, nous pouvons citer l’Institut du Caire pour les études des droits de l’homme, l’Egyptian Initiative for Personal Rights (l’Initiative égyptienne pour les droits personnels, le Réseau arabe pour l’information sur les droits humains (EIPR), le Nadeem Center for Rehabilitation of Victims of Violence (le Centre Nadeem pour la réadaptation des victimes de violences), ainsi que le militant des droits humains, Negad el-borai.
« Les espaces publics (accessibles à la société civile) n’ont pas cessé d’être de plus en plus limités et maintenant ils sont en train d’être carrément verrouillés », a déclaré Mme Hassan. « Ce changement est survenu au cours de ces deux derniers mois.»
Selon elle, l’organisation Nazra qui est enregistrée comme ONG depuis 2007 est spécialement ciblée en raison de ses campagnes en faveur des droits humains. «Nous sommes une organisation de femmes un peu gênante car nous ne sommes pas une organisation qui se limite aux questions de développement. Nous pensons que le mouvement féministe est un mouvement politique. Nous avons toujours eu une approche liée aux droits humains… Nous ne sommes pas comme d’autres organisations féministes.»
Elle a ajouté : « Si c’est moi qu’ils veulent, il vaut mieux qu’ils me prennent moi, plutôt que le reste de l’équipe ».
« Nous nous efforçons de mettre en place un mécanisme de survie. Tant que nous pouvons travailler, nous agissons. »
Ce contenu a été republié et traduit dans le cadre de notre partenariat avec The Guardian et Mama Cash.