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Défier le pouvoir des entreprises pour la justice de genre : temps forts d’un dialogue inter-mouvements

63 % des plus grandes entités économiques du monde sont des entreprises. Une fois cette réalité assimilée, il devient évident que la lutte pour la justice économique et la justice de genre est inextricablement liée au fait de comprendre les conséquences systémiques qui sous-tendent l’existence du pouvoir illimité des entreprise et de s’y confronter.


Plus de 35 participantes venues de régions et mouvements divers se sont rassemblées à Sao Paolo, au Brésil, à l’occasion du dialogue inter-mouvements « Défier le pouvoir des entreprises : les luttes pour les droits des femmes, la justice économique et la justice de genre », qui s’est tenu du 29 février au 2 mars 2016. Ce dialogue de trois jours, co-organisé par l’AWID et le Solidarity Center avec l’appui de Just Associates (JASS), visait à permettre aux participantes d’enrichir leurs connaissances grâce aux récits édifiants d’autres femmes et mouvements et à renforcer la solidarité entre les mouvements présents.

Les participantes étaient issues, entre autres, de syndicats, d’associations de travailleuses du secteur informel ou de travailleuses domestiques ou encore de mouvements autochtones, noirs, LGBTQI ou féministes.

Première étape : comprendre l’échelle et l’étendue du pouvoir des entreprises

Nous avons établi le contexte de la discussion en partant d’un partage d’expériences vécues par les participantes, suivi d’une présentation des faits et chiffres clés1 relatifs au pouvoir des entreprises dans le monde.

Par exemple,

◾️ 63 % des 175 plus grandes entités économiques du monde sont des entreprises transnationales. 37 % sont des pays2.
◾️ La somme des revenus des trois plus grandes de ces entreprises (Royal Dutch Shell, Exxon Mobil et Wal-Mart) est supérieure au PIB cumulé de 110 pays (55 % des États-nations)2.

Ce n’est pas dans un monde abstrait et mondialisé que les conséquences du pouvoir des entreprises se font sentir. Elles sont vécues à un niveau très personnel, dans les communautés au sein desquelles nous vivons et travaillons. Les participantes se sont exprimées sur certains éléments clés propres à leur environnement :

  • la flexibilisation du travail
  • la privatisation des services de base
  • leur accès limité aux services de santé et aux médicaments
  • l’accaparement de leurs terres et de leurs ressources naturelles
  • les catastrophes environnementales et l’exploitation de la main-d’œuvre
  • le pillage des savoirs ancestraux
  • le néo-colonialisme

Ces vécus varient d’une région à l’autre, et se mêlent chacun de manière spécifique avec les contextes de classe, de race et de post-colonisation.

Les études de cas présentées étaient très diverses, mais elles ont en commun certains éléments et certaines régressions imputables au système économique mondial. Celui-ci permet au capital, soumis à des contrôles réglementaires minimaux, de circuler quasi-librement, occasionnant des conséquences désastreuses pour l’environnement, le travail décent et les moyens de subsistance des populations.

Deuxième étape : élaborer des stratégies

Nous proposons ici un aperçu de certains des cas évoqués lors de cette réunion et des stratégies de résistance mises en œuvre. Vous pourrez obtenir des informations complémentaires sur chacun d’entre eux et apporter votre soutien aux campagnes en cours en consultant les liens internet insérés.

1. Dans le delta du Niger : des femmes manifestent pout leur droit à la négociation

Les activités exploratoires et d’exploitation de la société Chevron, qui supposent notamment des déversements d’hydrocarbure et des opérations de torchage du gaz, ont pollué des fleuves, des rivières et des criques.

En conséquence, les populations locales – majoritairement des agricultrices et des communautés vivant de la pêche – voient leur marginalisation s’intensifier et se trouvent, de surcroît, quasi-privées de la possibilité d’exercer un contrôle sur leurs propres moyens de subsistance, leurs terres et leurs ressources.

Emem Okon, directrice exécutive du Kebetkache Women Development & Resource Centre of Nigeria (Centre nigérian de ressources et de développement pour les femmes) a expliqué que des femmes ont été capables d’occuper les plateformes pétrolières de Chevron pendant 10 jours, jusqu’à ce que leurs exigences soient satisfaites. D’autres sit-in et boycotts du même type – organisés par des femmes victimes des politiques de Chevron dans la région – ont contraint l’entreprise à négocier avec les communautés. Malgré les efforts déployés par ces femmes, on a tenté de les exclure des négociations.

Pour en savoir plus (en anglais)

 

2. En Afrique du Sud : des entreprises pharmaceutiques traînées en justice

La campagne Treatment Action Campaign (TAC) pour un accès au traitement antiviral a été menée par des personnes vivant avec le VIH/SIDA.

Cette campagne visait à consolider le principe de non discrimination propre aux droits humains, mais elle a également souligné le fait que la pandémie VIH/SIDA frappait les groupes les plus marginalisés et les plus touchés par la discrimination – les femmes et hommes noirs vivant dans les bidonvilles et les zones rurales ainsi que les personnes LGBTQI noires ou de couleur. Phumi Mtetwa, une ex-militante de cette campagne, a rappelé que la TAC avaient réussi à traîner en justice deux des plus grandes entreprises pharmaceutiques – GlaxoSmithKline et Boehringer Ingelheim – pour avoir bloqué la vente d’antirétroviraux génériques abordables en Afrique du Sud.

Pour en savoir plus (en anglais)

 

3. Dans l’État brésilien de Minas Gerais : un syndicat minier affronte le pouvoir les entreprises

En novembre 2015, l’effondrement d’un barrage minier a causé l’une des plus grandes catastrophes environnementales de l’histoire du pays. Dans une mine à ciel ouvert exploitée par la société Samarco – une joint-venture entre les géants miniers BHP Billiton et Vale – le barrage a cédé, noyant les communautés sous un flot de boue et laissant leur rivière polluée par les déchets miniers.

Junéia Batista, la secrétaire nationale du plus grand syndicat brésilien, la CUT (Central Única dos Trabalhadores – Centrale unique des travailleurs) a évoqué les multiples stratégies et actions mises en œuvre en réaction à cet événement, parmi lesquelles une visite de membres de la CUT dans le village le plus affecté par l’effondrement du barrage, Mariana. La coordination avec d’autres mouvements sociaux comme le MAB (Movement of People Affected by Dams – Mouvement des personnes affectées par les barrages) s’est avérée essentielle dans la lutte contre le pouvoir économique de ces grandes entreprises, notamment dans le cadre de la soumission auprès de l’OIT d’une plainte contre l’entreprise concernée.

Pour en savoir plus (en anglais)

 

4. Dans la zone de Tehuantepec, dans la région de Oaxaca, au Mexique : les communautés autochtones luttent pour leur terre

Les entreprises multinationales Mareña Renovables, Gas Natural Fenosa, Demex and Iberdrola exploitent des parcs éoliens sur des terres couramment utilisées par des communautés autochtones.

Ces projets ont soi-disant été lancés après consultation des Ikjoots et des Binnizá, les peuples autochtones de la région. Membre de l’Assemblée des peuples autochtones de l’isthme de Tehuantepec pour la défense de la terre et du territoire, la défenseuse des droits humains Lucila Bettina Cruz Velázquez dénonce cet accaparement massif des terres par les grandes entreprises.

Pour en savoir plus sur son histoire (en anglais)

 

5. Au Cambodge : des femmes luttent pour obtenir de meilleures conditions de travail

Les femmes qui travaillent à la promotion des bières Angkor sont en grève après le renvoi par Carlsberg, le géant de la brasserie, de 12 membres de la CFSWF (Cambodian Food and Service Workers' Federation – Fédération cambodgienne des travailleurs de l'agroalimentaire et des service), une fédération affiliée à l’UITA. Elles luttent contre la tentative d’imposition par cette entreprise de contrats de travail de courte durée et d’heures de travail prolongées.

Ou Tep Phallin, membre de la CFSWF, a expliqué les conditions dans lesquelles travaillent les femmes employées par Carlsberg pour faire la promotion et servir les bières Angkor dans les restaurants où elles se trouvent en concurrence avec les employées des autres brasseries. Après deux ans d’activité, ces travailleuses devraient légalement avoir droit à un contrat de travail à durée indéterminée qui leur permettrait de bénéficier de congés maternité payés et d’autres avantages sociaux. Mais Carlsberg refuse de se plier à la loi et s’obstine à tenter de déstabiliser le syndicat indépendant.

Pour en savoir plus (en anglais)

Signez la pétition et soutenez la lutte de ces travailleuses

 

Restez à l’écoute. Nous publierons d’autres études de cas, des interviews en vidéo et d’autres analyses inspirées de cette réunion.


 1 Présentation spécifiquement élaborée par Rachel Moussié à l’occasion de cette réunion. Elle est disponible en espagnol, en portugais, en français et en anglais.
2 Comparaison entre les données de la Banque mondial relatives aux PIB des pays en 2011 et celles du magazine Forbes.
Category
Analyses
Region
Global
Source
AWID