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Les activistes réfléchissent aux conséquences vis-à-vis des droits sous le nouveau gouvernement en Inde

Plus d’un demi-milliard ont voté en Inde aux élections générales d’avril et de mai 2014. Pour beaucoup, les résultats sont peu surprenants : ayant remporté 282 des 543 sièges, le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata Party (BJP) est maintenant à la tête de la plus grande démocratie du monde. 

Les élections ont été marquées par une forte augmentation de la participation des femmes, notamment des jeunes femmes, qui se sont montrées soucieuses de l’éducation, des possibilités d’emploi et de la recrudescence de la violence sexuelle et autre à l’encontre des femmes et des filles (VAWG, depuis ses sigles anglais). Contrairement aux élections précédentes, tous les grands partis nationaux ont cette fois-ci abordé les questions de VAWG et d’inégalité de‑s genre‑s dans leur plateforme.

L’Indian National Congress (le Congrès national indien), à la tête de l’alliance qui a dirigé le pays ces dix dernières années, a subi sa pire défaite de l’histoire avec moins de 20 % des suffrages. En dépit de se targuer d’être le champion de la laïcité, le parti du Congrès a été incapable de surmonter la perception généralisée du public selon laquelle il a peine à contrôler l’inflation et à relancer l’économie stagnante ainsi qu’à combattre adéquatement la corruption, le terrorisme et les crimes contre les femmes.

L’arrivée au pouvoir du BJP représente non seulement le rejet du parti du Congrès, mais aussi une refonte réussie de l’image du Premier ministre actuel Narendra Modi. L’image de Modi est passée de celle d’un homme responsable du génocide du Gujurat à celle de l’architecte du « modèle du Gujurat », symbole d’un développement économique rapide et d’une gouvernance nette et efficace ; ainsi que de celle d’un fondamentaliste enragé à celle d’un dirigeant national mûr et inclusif. Cela a été essentiel, car Modi n’a jamais réussi à se défaire de la réprobation sociale pour avoir été le dirigeant de l’État du Gujarat, où en 2002 quelques 2 000 musulman‑ne‑s ont été systématiquement assassiné‑e‑s, un nombre incalculable d’autres torturé‑e‑s, violé‑e‑s et mutilé‑e‑s, et plus de 100 000 foyers sérieusement endommagés ou détruits. Cet évènement tragique et l’absence de responsabilisation subséquente ont suscité des inquiétudes relativement à ce que la nouvelle administration signifiera pour cette nation, notamment pour les femmes ainsi que pour les minorités religieuses et ethniques.

Selon l’écrivaine et activiste féministe, Vasanth Kannabiran, « [i]l était clair que le vent tournait de ce côté [...]. Nous n’avons pas d’illusions laïques. » La militante de longue date pour les droits des femmes Abha Bhaiya avait l’impression que cette fois « l’absence totale d’alliance entre les partis soi-disant laïques allait ouvrir la voie au BJP. En ce sens, les sommes astronomiques injectées dans la campagne électorale […] ont été bien orchestrées ». Elle concède cependant avec pragmatisme que « [p]uisqu’il s’agit d’élections démocratiques […], le verdict des électeurs‑trices doit être accepté, malgré toute notre appréhension ».‎ Selon elle, les élections ont marqué la défaite de maints mouvements. « Nous n’avons pas été capables de construire notre électorat. Nous en connaissons les raisons et nous devons utiliser ce‎ moment de l’histoire pour nous adonner à de sérieuses réflexions ». Elle met à la fois en garde contre le désespoir : « N’oublions pas, au milieu des cris et des célébrations euphoriques de la victoire du BJP, que seuls 31 à 35 % des électeurs‑trices ont voté pour le BJP et ses alliés ». ‎

Kannabiran et d’autres militant‑e‑s des droits humains, fortement préoccupé‑e‑s par les antécédents de Modi, affirment que « l’impact à long terme sur les droits des minorités et les relations entre communautés devra être surveillé ». Si les positions de Modi sur les relations intercommunautaires et les droits des femmes ont été peu rassurantes historiquement, Kannabiran espère qu’« après cette immense victoire, il essaiera au moins de soigner son image à l’internationale... C’est ce que l’on espère. Concernant la multitude d’ignobles remarques prononcées en public par des hommes politiques, il n’a pas encore réagi et je ne suis pas certaine qu’il le fera. » [123] La militante se réfère ici à un ensemble de remarques publiques excusant ou minimisant le viol, un sujet qui attire de plus en plus d’attention depuis le viol collectif de New Delhi. L’événement avait fait les manchettes partout dans le monde en décembre 2012.

Maints activistes de droits humains s’alarment en outre des tendances en matière de liberté d’expression et d’association. Comme l’explique Kannabiran, « on jouissait avant d’un certain degré de liberté d’expression, mais on a connu des émeutes et des massacres sous le régime du parti du Congrès et entendu un discours contradictoire sur les tensions intercommunautaires. Les Services de renseignement ont maintenant déposé unrapport affirmant que les ONG financées par des fonds étrangers font obstacle au développement. »

Maya Ganesh de Tactical Tech, une organisation internationale d’information et de plaidoyer sur les droits, remarque que certains impacts se font déjà sentir. [1] « Tout ce que nous redoutions est arrivé très vite. Le secteur industriel a appuyé Modi et tente d’imposer sa notion biaisée du “développement” [...]. Plus de dix personnes ont été arrêtées pour propos “diffamatoires” en ligne à l’encontre de Narendra Modi. Alors que s’opposer à l’administration précédente n’était que “liberté d’expression”, cela est aujourd’hui “diffamation”. » [3]

« L’avenir ne présage rien de bon pour l’ensemble des questions liées au développement et aux droits », fait remarquer une militante d’une organisation de défense des droits sexuels, car « l’administration actuelle est susceptible d’encourager les aspirations de la classe moyenne au détriment de tout le reste ». Bhaiya fait le même constat en affirmant que « la dangereuse alliance entre les fondamentalistes et les capitalistes est une chose que nous redoutons tou‑te‑s. La destruction et la privatisation des ressources naturelles sont inévitables. Une période sombre de l’histoire s’annonce. »

Pour en savoir davantage sur l’incidence attendue de la victoire du BJP aux yeux des activistes de droits humains, vous pouvez lire l’intégralité du Dossier du vendredi de l’AWID à ce sujet : Les militantes s’interrogent sur les implications pour les droits du nouveau gouvernement de l’Inde.


[1] L’organisation internationale environnementale Greenpeace a été ciblée récemment dans un rapport des Services de renseignement pour avoir attaqué le secteur du charbon de l’Inde et menacé le développement. 
Category
Analyses
Region
Asie
Source
AWID